Le dernier Capétien

La meute des vagues hurle dans la nuit froide,
La bouche noire des vents glacials se déchire
Dans le fracas puissant de cent ramures roides,
Des étoiles gelées dans un étang se mirent.

Le reflet du château s’étend comme une griffe
Sur la plaine livide où se dressent des ifs,
Sentinelles transies de ces pierres tombales
Que visitent le soir quelques sombres moniales.

Au-delà des douves et leurs eaux ténébreuses,
Des herses grinçantes qu’éclaire la gibbeuse
De son éclat blafard aux inquiétants frimas,
Des lugubres créneaux qu’agressent les choucas,

Où des vigies figées font leur signe de croix,
Au-delà des couloirs aux sinistres flambeaux
Où viennent sangloter de fantomales voix
Puis, vont errer sans fin autour des lourds caveaux,

Blotti dans le logis, au milieu du donjon,
Près d’un foyer ardent aux fumées grimaçantes,
S’agitent les profils et leurs ombres géantes
Du Capétien maudit, de son triste bouffon,

Des autres convives à la mine songeuse,
Ils sont tous réunis pour conjurer le sort
Qui s’acharne depuis cette intrigue ombrageuse
Où Jacques de Molay fut condamné à mort.

Il agonit le roi de ses imprécations,
Lança sur le bûcher une malédiction
Qui frappera au cœur toutes les éminences
Et rendra impuissants ces rêveurs de puissance.

La prédiction du templier s’est accomplie,
Ce roi est le dernier de l’illustre famille,
Voilà pourquoi, autour de lui, sont assemblés,
Les devins, les chiromanciens et les sorciers.

Un nécromant masqué invoque Salomon,
Le monarque fameux, commandeurs de démons,
Les quatre pentacles tracés avec l’arthame
N’ont suscité que le rire d’une odieuse âme.

Chevauchant un dragon, ce Cassiel Macoton,
Hideux prince infernal de tous les conjurés,
Sort du miroir brûlant où le temps s’est fané
Pour ne laisser au sol que quelques cotillons.

Un kabbaliste anxieux scrute les Séphiroth
Et prononce l'Aleph, flanqué d'une griotte
Mais leurs incantations se perdent dans les astres
Et retombent en pluie au sommet du Palastre.

Enfin, l'alchimiste dans ses vertes cornues
S'efforce en formules à extraire le mal
Qui ronge les mâles en complète décrue
Làs, l'or tant espéré n'est que du vil métal !

Rien ne la sauvera, la dynastie se meurt
D'avoir trop négligé par sa fatale morgue
De prier humblement et d'assainir son coeur,
De bien se rappeler qu'on finit à la morgue...

Blanche se lamente dans sa geôle sordide
Infidèle stérile aux lettres écarlates
Qui lui brûlent sa foi et sa chair délicate,
Elle qui subira un destin si morbide.

Le suzerain défait contemple son harnois
Qui l’avait protégé durant tous ses exploits,
Il l’aurait tant vanté aux yeux émerveillés
D’un fils légitime, d’un glorieux héritier.

Ce qui n’aura pas lieu, il ne restera rien
Des vaines conquêtes du dernier Capétien.




Ecrit par Banniange
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