Le voyage du poète

Doux ennui, dénué hélas d'inspiration,
C'est dans tes bras, triste et seul, que je m'abandonne,
Sombre réalité, sublime et monotone,
Où s'exhalent ténèbres et vives passions.

Que j'eusse aimé peindre les monts et océans,
Les cieux et les vallées, dans les soleils couchants,
Et délaisser ma plume au lyrisme exaltant
Attiré vers le large et l'horizon brûlant.

Et m'envolant, songeur, rejoindre les méandres
De l'existence amer dans les nuées de cendres,
J'erre, oui, que je suis seul ! Isolement béni,
Pour le poète hélas, que l'inspiration fuit !

Et toujours se poursuit cette course incessante,
Mais pour s'arrêter où ? Rien n'est assez vermeil !
Rien jamais ne me sied, la vie semble si lente,
Et la mort doucement sur mon âme appareille.

Ô voyage infini, chevauchée inlassable,
Porté par un désir bouillonnant et envieux,
J'ai atteint l'éternel, j'ai atteint l'ineffable,
Et pourtant je suis seul et toujours malheureux.

Ô pleurs élégiaques qui n'émeuvent personne,
Ô tristes vers bercés par l'existence atone,
Sans bonheur, sans vigueur, sans valeur, sans saveur,
Roulement infini où le fini s’écœure...

Et dansent les flammes sur un rythme macabre,
Un rythme très étrange et des notes inconnues,
Dont les sonorités, tranchantes ; de vrais sabres ;
Des sabres aiguisés dans les vastes étendues,

Perçant, implacables, de leur fil meurtrier,
L’air, le ciel, l'espace, cherchant la volupté,
Immolé sur l'autel, lié aux mains, aux pieds,
Dévoré pour toujours, comme le fut Prométhée,

Je fuis, seul, poursuivi par cet aigle perfide,
Mais pour s'en aller où ? Comment puis-je échapper ?
M'extirper des griffes, cruelles et sordides ?
Du démon grossissant dans l'intériorité

De mon être, oui ! Cruel oiseau que j'ai créé,
Et qui de mes blessures, s'abreuve et s'alimente,
M'entraînant vers les flammes, infernale descente...
L'Enfer là, tout proche, rit dans l'obscurité !




Ecrit par Joachim
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