Je ne suis qu'un arbre...

Je ne suis qu’un arbre ayant pris racine il y a des lustres, un arbre qui dans le sol se nourri d’une terre bien fertile. Je ne suis qu’un arbre qui, parmi les humains, fait sa place. Au détour d’un champ, d’une prairie, un arbre qui voit passer le temps bons et mauvais. Je suis cet arbre qui dans sa sève puise sa force pour traverser les siècles. Dans mon écorce, les amoureux se gravent, à mes branches, les enfants se perchent et construisent leurs cabanes. Je suis l’arbre sous lequel on s’abrite pour échapper à la pluie autant que du soleil. L’arbre de la vie, protecteur de l’environnement. Au fil des saisons, je mue et m’adapte au climat changeant. Je suis l’épaule sur qui on peut s’appuyer, mon cœur est grand et mon silence apaisant.



Oui mais voilà, je saigne de l’intérieur pas que la pollution m’empoisonne à petite dose ou encore que les incendies me ravage à petit feu. Non, je pleure car je peux être cet arbre de malheur, celui qui est spectateur de trop de tristesse, ne pouvant rien faire pour éviter les peines. Oui je suis cet arbre naît au mauvais moment, au mauvais endroit où des drames me percutent, où des vies se pendent et se brisent. Si lourd et si robuste, trop fort pour me laisser abattre devant un véhicule. Peu importe les saisons, je sévie aidée de ma sève qui m’endurci moi le cœur de bois. En été, je brule et incendie des villages. Mes feuilles font glisser en automne, je suis l’obstacle à éviter en hiver quand mon ennemi le verglas tend ses pièges. Au printemps, je me renforce de toutes ses vies arrachées, de leur sang je m’alimente sans cesse bien qu’innocent, je suis coupable d’exister.



Qu’on m’abatte, me fasse autodafé, ou que mon papier soit affiche pour vous prévenir de mes méfaits, je ne suis qu’un arbre qu’il aurait mieux valu ne pas planter, Francis Cabrel a beau faire mon éloge, ma propagande, je ne suis que trop souvent l’endroit de recueillement, une tombe où s’amassent les squelettes, on ne devrait pas m’appeler forêt mais plutôt cimetière tant le mort au mètre carré me dénonce. Je ne suis qu’un arbre qui continuera d’exister alors toi humain qui partage cette terre, plante-moi loin de ta vie, loin pour ne plus être source de deuil. Je suis l’arbre de trop, pardon à tous les proches de victimes, c’est dans ma nature et je suis de nature la faucheuse éternelle.



Ecrit par Piloukan
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