Qu'il était doux le temps

<font size=2></font>Qu'il était doux le temps où, tout contre ma mère,

Dans sa chaleur douillette, empli de son odeur,

Je somnolais, heureux, féerie, fiction, chimère :

Pain quotidien de l'âme, et de l'esprit, du cœur.



On était chez ma tante. Elle avait la lumière

Et même la radio, chez nous luxe inconnu.

Sur bidons, sa baraque, à mes yeux ô princière !

Nous accueillait, refuge, oasis bienvenu.



La table, un tantinet petite pour son monde,

Jouait le premier rôle : un pôle d'attraction.

On y tapait l'carton sans perdre une seconde,

Excepté pour le jus, la blague à l'occasion.



Maman poule parfois, moi, la peste soit l'heure !

Toujours dans son giron, s'adonnait au tricot.

Quel délice ! plaisir ! cette soie qui m'effleure :

Son éternelle blouse et maint tendre bécot.



Aux anges je riais, m'abandonnant aux choses

De l'existence qui s'écoulait : les reflets

D'un tranquille cours d'eau, sous une pluie de roses,

Tout plein de ponts jolis et de gentils relais.



Je respirais musique et parole, parole

Dans rêves, rêveries, univers ouaté ;

Je revois l'oncle encore - est-il meilleure école ? -

Moulant force bougies, le suif froid : velouté.



Ces veillées se passant dans une chaude ambiance,

L'un sur l'autre on pouvait compter sans coup férir.

Chacun avait sa place. On vivait d'espérance,

La misère au rancart, devant nous l'Avenir.



Qu'il était doux le temps où, tout contre ma mère,

Dans sa chaleur douillette, empli de son odeur,

Je somnolais, heureux, féerie, fiction, chimère :

Pain quotidien de l'âme, et de l'esprit, du cœur.







Le 30 juillet 1994.





Ecrit par Stapula
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