A tire-d'aile
Voilà mille ans que vole une escadrille,
Un vers d’oreille à l’œil vif, un sacret
Réclame fort, huit, incessant, son trille
Sur la fougère au clair de la forêt ;
Seule une souche, à l’ombre d’un muret,
Ressent les sons du songe et ce secret
L’enfle, la fend, la cingle et l’écartèle,
Pique en son cœur, le bec de la sitelle,
Des flots de loups se mettent à grogner,
Le fût si dur n’est plus -triste dentelle-
Et feu sa sève a fini de saigner.
Mais bat le son comme un sang, la pupille
Vibre d’un noir au grenat du regret,
Perce, en fusion, l’insistante escarbille,
Du tronc, le fond, son intime coffret ;
De quelque cime appert le couperet,
File à l’humus, cyprès, longtemps fidèle,
Chair de la sylve à jamais immortelle,
Vois dans l’azur avant de regagner
Les cieux obscurs, la muse qui sautelle
A ton autel, s’immisce et vient cogner.
Vois la candeur de son regard où brille
La fleur de l’art, la mouche du fleuret
Quand, l’oraison, mue en un fou quadrille
Où, neuf, surgit, gai luron, guilleret,
Le mot, dictame à ton âme et l’heure est
A la voltige aux soins de l’hirondelle,
Qui, sur le blanc de ce linceul, s’attelle
A, mille vers de la vie, aligner ;
Est-ce un poème et la rime est chandelle,
Aide ton corps encore à s’éloigner ?
Muse, ma mie, autre Electre, hymne, Adèle,
-La filigrane image, telle et telle-
Souffle ton sucre au creux de mon jarret
Pour cheminer, mort, vers ta citadelle
Et qu’un soleil embrase un minaret,
Que muse emboise et meure à tire-d’aile.
Ecrit par Lau
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