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Poésie libre / L‘art d’accommoder les restes.
           
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L‘art d’accommoder les restes.
par Ann


par Ann


Je fus. Je fus moyennement, moyennement jolie, rien de franchement disgracieux mais rien de remarquable. Et depuis longtemps, mes atouts s’étaient envolés. Je n’avais rien fait pour les retenir, rien de rien pour les entretenir. Je n’avais jamais fait aucun effort. De toute ma vie, j’ai investi en tout pour tout dans une brosse à cheveux et deux peignes. Je ne savais pas me maquiller, me gardant des colifichets inutiles. Mais j’ai dans mes tiroirs autant de foulards qu’il est possible, pour donner l’impression stupide de posséder une garde-robe conséquente. Il fut un temps que je les appariais à mes escarpins. C’était du plus bel effet. C’est le parfum, mon péché mignon, la signature de mon charme. Il y a pourtant des lustres que j’ai vidé mon dernier flacon. Hautaine comme il le faut, grivoise à mes heures, je cultive la traine-savate aussi savamment que la bourgeoise quand il s’agit de plaider ma cause. Je cultive l’humour et le bagout. Le culot, ça je crois que j’en ai conservé une bonne dose. J’en étais là de mon inventaire bien mince : des foulards, une paire d’escarpins, un flacon vide, un peigne, des cheveux blancs et vingt-cinq kilos de trop. Enfin de trop pour les autres car il ne m’empêchait pas de parcourir des kilomètres à pied. Je n’avais plus l’âge de mais non plus celui de, enfin de renoncer aux saveurs de la vie. Je n’avais envie de non plus mais j’adore les défis, des défis à la … des défis quoi ! Ça m’amuse de gagner, juste pour la beauté du geste sans vouloir en finir en beauté car j’avais encore quelques années devant moi. J’avais largement dépassé les dates limites de consommation raisonnables. J’aurais pu encore faire de l’usage mais mon mari n’était plus. J’aurais pu encore faire de l’usage pour qui n’est pas trop regardant mais l’envie n’y était plus non plus. J’avais un petit quelque chose de cassé dans les rouages et une grosse envie de liberté. J’avais appris l’art ménager d’accommoder les restes. Des restes de gruyère dont il ne restait que les trous. Pour être sûre, je refis donc mon inventaire à l’envers : vingt-cinq kilos de trop ! Sous un foulard, je pouvais les camoufler, les escarpins de mon mariage assortis à mes cheveux. Une chance ! Imaginez qu’ils fussent verts pomme. Un peigne, c’était au poil ! Un flacon vide ? Un flacon vide ! Voilà ma Belle le truc qui te manquait ! Un Cha…. Cinquième du nom. Je ne m’en sortais pas si mal pour l’anniversaire de mes cinquante-neuf ans !



Poème posté le 22/03/19 par Ann



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Ann



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