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Poésie libre / La vieille dame et la soignante au mauvais endroit
           
Poésie libre / La vieille dame et la soignante au mauvais endroit
       
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La vieille dame et la soignante au mauvais endroit
par Chilimoya


par Oxalys


La vieille dame au mauvais endroit J’ai oublié ma mémoire elle s’est envolée comme une brume au soleil en laissant çà et là de petites écharpes transparentes. J’ai perdu mes enfants Ils n’ont plus de visage, plus de nom et quand ils viennent me voir m’évaporer, ils se taisent, regardent leur boîte à tout faire ou s’en vont en me laissant me reposer en paix. Ici il y a plein de petites mains pour la toilette jamais les mêmes, certaines avec des douceurs de nourrisson, avec des mots caressants qui donnent envie de vivre encore un peu, d’autres avec des violences retenues des cris qui réveillent mes premières terreurs avec un peu de dégoût comme une fleur malsaine au coin des yeux. Ici, le soir, il faut manger vite, de drôles de choses. Ma voisine déverse sa litanie avec des balancements pleins d’élégance, il y a aussi Marie je crois, qui demande des nouvelles de ses fantômes et Pierre peut-être, qui grimace dans le vide de sa bulle. Ce n’est pas bon. Ici on me pose dans un coin, toujours le même coin, à côté des fleurs artificielles, celles qui veulent s’échapper pour ne plus me voir car je ne bouge pas, je reste là à détricoter ma vie en attendant le prochain repas ou le petit sourire qui me fera exister encore une fois, peut-être la dernière. Ici les heures n’en finissent pas d’être des jours, j’attends, je regarde passer les autres qui déambulent avec la lenteur de vieux phasmes chaotiques ou qui marchent vite, la jeunesse plein les mains et de belles blouses blanches avec le regard fuyant notre transparence. Demain je rentre chez moi. C’est où mon chez moi ? Je n’existe plus, je suis l’inutilité des immortelles. La jeune femme au mauvais endroit Je pleure mon épuisement et mon impuissance, mon ventre aussi aimerait pleurer ses nouages pour effacer les angoisses. J’ai peur de faire peur, j’ai peur de blesser, d’humilier. Ils sont très vieux, leur corps ressemble au champ de bataille de la misère. Ils ont des souillures à n’en plus finir. Ils sentent la vie en fuite, mais je les aime. En trois minutes je dois expliquer mes petits gestes, déshabiller les cauchemars, laver la solitude, revêtir l’infinie faiblesse, maquiller la désespérance, caresser la douce mollesse des visages, enfouir la vie au fond des yeux poser une petite fleur de dignité au coin des lèvres. Et moi, je déshabille, je lave, j’habille ; je pleure, en trois minutes. Mane le 18 juin 2019 Christian DUMOTIER « Poèmes, prose et autres divagations » aux éditions Baudelaire



Poème posté le 22/06/19 par Chilimoya


Informations mp3 : Musique de Sergueï Rachzmaninov - Vocalises pour violon

 Poète
Chilimoya



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 Interprète
Oxalys



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