Je vais te dire noir
Bois d’ébène , sève , fibre noueuse
Haute vague , crêpe des frondaisons
Visage abouti du destin
Où l’ombre secrète sa partance
Je vais te dire jaune , œil ambré
Miel de partage
Terre cuite à tes paumes
Hexagones , craquelures sèches
Chemins de cicatrices
Ta chair se souvient fers et entraves
Ton vent ocre souffle du désert
Je vais te dire rouge
Fleur rêvée , sillage de fille
A l’ombre du flamboyant
Feu d’épine
Fruit éclaté , sang du Fleuve Niger
Je vais te dire blanc
Front blême
Routes de soif de sel et de brouillard
Ciel en cendre , conquête solitude
Couteau muet du train
Cri rendu au silence
Mourir en homme libre
Tu t’appelles Omar
Aboient , aboient les chiens du territoire
Tu ne reposes pas près des tiens
La terre ici est elle amie ?
Géant couché en mon pays
Privé du droit d’y vivre debout
La mort balaie les frontières
Je vais te dire noir
Je vais te dire jaune
Je vais te dire rouge
Je vais te donner le drapeau de ce pays linceul
Tu en feras une aile
Je vais te dire noir
Et jaune
Et rouge
Et blanc
Ici l’hiver , envole toi !
Je vais te dire chardonneret .
Un jeune nigérien sans papier se jette sous un train en gare de Namur début février 2008 devant l'ordre reçu de l'office des étrangers de quitter le territoire .