Si vous êtes blessé ou malheureux
Ou simplement de passage
Il y a au monde un lieu
Saint et sublime
La grange des clous
Surplombant le lac Léman
À deux pas du paradis
Si vous passez par-là
Respirez et contemplez la merveille
Duel qui envoûte et guérit
La clé est sous la pierre plate
Aussi large et vivante
Qu'un vol d'aigle royal
Entre la croix en bois
Le bûcher de fayard
Et l'être qui vous anime
Loin de votre orgueil
De votre ennui passager
À la grange des clous
J'ai appris à fendre le bois vert
À foiner les herbes folles
Les plus sages du regain
À manier les rênes du traîneau
Sur la neige verglacée
Poupée le cheval de trait
À allumer le feu de joie
À étancher ma soif
Conquise et éduquée
Vu mes cinq ans tomber de fatigue
Avant le goûter
À la grange des clous
J'ai cueilli des cerises noires
Comme la terre qui les engendre
Des prunes plus goûteuses
Qu'une pêche du Roussillon
Saisi le mot bonheur
Dans les yeux où je lis encore son âme
Celle de mon grand-père
Déclaré une guerre fratricide
Aux fourmis rouges
Aux mouches sur le cul des vaches
Retourné la bouse
Sur le visage d'une cousine
Goûté le fruit défendu
L'air au-dessus de la brume
Pratiqué l'aube buissonnière
À la grange des clous
Un temps
C'est moi qui ai vécu
Et mes aïeuls mes amours
Loin des fracas de la vie
Au plus près de la vérité
Au plus près de mon sang
Pourquoi encore ce bleu limpide
Dans les yeux de grand-mère
Maman je sais
Je vois encore M
Courir dans le champ de fleurs
Jusqu'à la nuit tombée
Un soir de pleine lune