"La charmeuse de serpents". par
Henri ROUSSEAU Illustration proposée par Banniange
Au plus profond des mers dans leurs phosphorescences
Où se miraient les yeux des sirènes cruelles,
Auprès des vieux galions dans l’or des étincelles
Où rêvaient les algues dans leur évanescence
Etait-ce bien ton ombre aux doux frémissements,
Qui passait lentement dans l’étreinte des vents ?
Dans l’ubac des vallons au feuillage incarnat
Là où le martagon fleurit sur l’aube opale,
Cependant que la nuit pousse son dernier râle
Dans sa robe noire, au clocher, sonne le glas !
Etait-ce bien tes mains qui cueillaient des étoiles
Pour en faire un sautoir à l’ombre qui se voile ?
Dans les vertiges bleus où hurlent les fantômes
Des sommets fabuleux, ivres de liberté,
Dans les yeux de l’aiglon au sein de son royaume
Où passent les soleils des matins enchantés,
Etait-ce bien ta voix au charme ensorcelant
Qui freinait l’avalanche et domptait les ours blancs ?
Dans l’espace poudré de cristaux argentés
Où glissent les traineaux sur le manteau neigeux,
Des fulmars boréaux dessinent un ballet
Où éclot le feston d’ un vol majestueux,
Etait-ce tes lèvres, roides, pleines d’audace
Qui mendiaient un baiser à l’ours blanc sur la glace ?
Au milieu de la foule aux pas d’un condamné
Qui s’agite sans fin comme un vieux tourniquet,
Dans ces cœurs fatigués de tant d’insignifiances
Où règne la frayeur et ses désespérances,
Etait-ce ton visage et ses mille lumières
Qui irradiait le ciel dans un coup de tonnerre ?
Aux chemins escarpés, écrin de la callune
Où les couleurs chatoient en dansant sous la lune,
Gisent dans le ravin quelques débris de vie
Où soupirent les âmes en quête de survie.
Etait-ce ton sourire en moissonneur d’espoir
Qui mordait cette terre où germe le savoir ?
Pieds-enVers, banniange