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Improvisation et prise directe.
par Ann


par Ann


Une histoire de cheminée. J’avais commencé l’exercice par plusieurs esquisses d’histoires, histoire enfantine, histoire coquine et vécue commençant à peu comme ceci : Les amants de l’hiver Faiblesse de la vieillesse Expérience de l’âge Se donnaient sans retenue Aux délices de Cupidon. Laissant aux cloches La messe de minuit La dinde fourrée Et les épines du sapin. L’âtre était froid et sombre. Une bûche sur ses chenets Attendait depuis longtemps La flamme qui la consumerait. Il neigeait sur la crèche… Il était ensuite question de langue de feu, de fourrage et de brindilles sans que l’effet me satisfasse vraiment. J’abandonnai donc mais il me fallait avant la minuit une histoire de cheminée enfin histoire de vous raconter une histoire comme autant d’histoires d’antan, une histoire, une histoire de cheminée. J’avais même pensé aux femmes de Landru partie en fumée. De la barbe au cul, j’avais une histoire extraordinaire d’un porcelet qui refusait de cuire. Je rayais, je biffais. Je finis par jeter au feu tous ces contes qui se recroquevillèrent en vilains copeaux noirâtres se perdant en cendres rougeoyantes dans la charmille avalée par les flammes. Je repris donc mon histoire à rebours, mon histoire, la mienne d’il y a déjà longtemps. Mon histoire commença dans une cheminée, enfin presque. non que je fusse livrée par un ramoneur car je suis née comme toutes les petites filles dans une rose. Je suis plus bien jeune mais pas encore complètement vieille de vieille et pourtant, je suis d’une génération où la cheminée avait encore de l’importance. La corvée de bois n’était pas encore un plaisir de citadins allergiques au chant du coq. L’âtre et l’être s’accordaient en mariage de raison. Un feu éteint faisait la mort du foyer, la fumée s’échappant du toit était signe que la maisonnée était vivante. Le foyer hiver comme été, chez nous c’était le fournil. Deux jours pour que le four se refroidisse, deux jours pour le ranimer. Deux jours grignotés aux vacances, deux jours de corvée de bois. Pas une mince affaire mais ça sentait bon la sciure et le chant du cricri. Mon père comme mes oncles, et mon grand-père et son père avant lui, faisait le boulanger. Chez moi donc, un enfant qui naissait, devait être présenté au grillon du foyer qui logeait dans une niche entre la gueule du four et la réserve de bois. Quand le grillon avait pris acte de la nouvelle naissance, il suffisait ensuite à l’enfant d’aller lui rendre ses hommages à chaque Saint-Sylvestre, une manière détournée de souhaiter la bonne année au croquemitaine à larges épaules, portant entre ses dents, une lame de rasoir et armé d’une longue pelle noircie à ses coins usés. Vous aurez deviné qu’il s’agissait là de mon père flambant devant la plaque de fonte relevée sur des pains dorés. C’était quelques jours après avoir trouvé les cadeaux que le petit Jésus avait déposé dans l’encoignure du mur. Car je dois vous préciser que le grillon recevait chaque noël, son cousin le petit Jésus. Un bébé à moitié nu dans une corbeille d’osier assez semblable à une panière matelassée d’un morceau de jute rugueux. Le petit Jésus qui allait de feu en feu se contenta longtemps du panache de fumée pour trouver son chemin. Mais dehors, les lumières de l’immense sapin donnaient la couleur et la joie de l’accueillir comme l’âtre et l’odeur du café alertait le mendiant qu’ici, il trouverait la chaleur et le pain. L’arbre était habillé de fanfreluches brillantes depuis que les guirlandes électriques avaient remplacé les bougies. On accrochait aux branches des pièces de chocolat, des pommes rouges qui faisaient la joie d’un merle affamé, des sucres d’orge pour les chapardeurs car le pain d’épice n’aurait pas résisté à l’humidité. Mais ce n’était pas la place d’un nourrisson d’avaler la fumée et les senteurs lourdes de la pâte crue. On m’expédia alors chez ma grand-mère qui avait fait condamner la cheminée. On avait enfermé le foyer dans une lourde cuisinière dont le tuyau traversait la pièce pour s’engouffrer dans le conduit de cheminée. Au menu, petit bois, coke et boulet. Dans mon enfance, il n’était plus question de veillées devant l’âtre. Il restait encore le trépied et son chaudron pour la soupe et le pot-au-feu. Les briques repeintes en rouge devinrent mon terrain de jeu, ma bibliothèque que je constituais à mesure des visites chez le marchand de presse. J’y appris à lire seule, j’inventais des histoires, mes premières histoires dont il ne me reste rien que le goût d’en raconter des histoires, des histoires vraies, des histoires imaginaires. Il fallut un jour que je quittasse ma cheminée pour aller à l’école. Je n’aimai pas trop ce lieu car il n’y avait pas de cheminée pour s’en échapper.



Poème posté le 01/12/19 par Ann



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Ann



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