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L'alchibulle
par Francis

Highslide JS
par Francis

Photo que j'ai prise près de Trépail.


« Allons chercher sans retard l'ami qui soigne et guérit la folie qui m'accompagne et jamais ne m'a trahi..." (Jacques Higelin) Le début des vendanges, c’est le moment fort du travail de vigneron, quelques semaines, après l’effervescence de la Champagne, les vignes prendront leurs belles couleurs d’automne. Après la cueillette le raisin sera amené au pressoir, le jus dans les cuves subira une première fermentation. Dès la fin des vendanges, dans tous les villages de champagne il flottera dans les airs un « parfum » caractéristique de la fermentation. Tout d’abord le jus de raisin fermentera, on s’en aperçevra par l’odeur et l’augmentation de température dans les cuves. Le vin restera dans les cuves jusqu’au début du printemps. Aujourd’hui je me souviens de ce matin, il gelait encore sur les petites routes de la Marne, les vignes étalaient leurs bois entrelacés de fils d’acier. Les petites pousses vertes des feuilles n’avaient pas encore fait leur apparition. J’arrivais dans le petit village de Chigny les roses près de Reims, la famille Leroux y a développé de père en fils une activité de vigneron. Mon beau-frère, Patrice, y est récoltant manipulant, il a repris l’exploitation familiale, il travaille dans les vignes, dans la cave, s'occupe de la vinification et de la commercialisation, moi j'arrive pour la dégustation hé oui ça rime. Pierre, mon fils est devenu son associé après un B.T.S en « viti-oenologie ». Patrice m’avait téléphoné quelques jours plutôt : - Si ça t’intéresse samedi avec Pierre on procède à « l’assemblage » tu peux venir on ne sera pas trop de trois pour gouter les vins. - Oui, super ! je suis curieux de découvrir ça. Le moment était venu, de gouter le vin qui reposait dans les cuves au fond de la cave. L’assemblage demande un savoir-faire et une expérience que patrice maitrise bien. En Champagne utilise trois cépages, le Pinot noir, Pinot meunier et le Chardonnay. Les raisins ont été pressés séparément et le jus conservé dans des cuves par cépages. Patrice a donc prélevé 75 cl de chacune des 11 cuves. Un échantillon à été envoyé à un laboratoire spécialisé pour analyse et appréciation d'un oenologue. Celui-ci a retourné un document après étude des échantillons. Je ne suis pas chimiste, mais dans le cas présent il était indiqué le Ph, l'acidité, le taux d'alcool volatile et par exemple, les commentaires suivant : « Pas de gouts anormal, oxydatif réduit, bonne teinte, pas de tendance à la casse oxydasique, le titre alcoométrique est satisfaisant. » Pour moi c’était abscond, pour mon fils et Patrice, c’était des éléments à prendre en compte. Le résultat était dans la fourchette que Patrice attendait. Il restait à faire l'assemblage pour les quatre gammes de champagne à commercialiser : - Le millésime, des jus des cépages de la même année. On assemble aussi avec les vins de précédentes vendanges (dans ce cas, ce n'est plus un millésime) -Une gamme qui comprend une plus grande proportion de « Chardonnay » appelée « carte rouge » -Un champagne d'entrée de gamme appelée « carte bleu » -Un champagne rosé (la teinte se fait avec du pinot noir vieilli en fut de chêne) J'ai particulièrement aimé le gouter celui-là. Pour cela nous nous sommes installés dans sa cuisine, autour d’une table. On avait chacun notre verre et on a goûté les onze échantillons, mais non on n'a pas bu, juste gouté et recraché, promis juré. Mon fils et moi, on reconnaissait bien le gout du chardonnay, mais nous n’avions pas d'avis tranché. Bruits de bouches… J’aérais le vin afin d’en ressentir l’arôme, chacun donnait son avis, est-ce que l’un avait un arôme plus prononcé, oui peut-être bien, c’était assez subjectif. Ce vin qui n’avait subi qu’une première fermentation, ne pétillait pas, il était acide et mieux valait le recracher. Il avait un gout très éloigné de celui du Champagne, c’était là toute la difficulté. Pour l’élaboration du rosé, Patrice a pris une pipette graduée, il l’a remplie d’un vin rouge (pinot noir) de sa fabrication. Il en a versé une petite quantité dans une bouteille de vin blanc, il a déterminé le volume nécessaire en appréciant visuellement la teinte rosé du vin. On a laissé faire le professionnel, Patrice avec son savoir-faire. Nos avis sont tout de même venus conforter le sien. Il a déterminé dans quelle proportion il allait utiliser le vin des cuves pour chacune de ses gammes de champagne. Après une touche finale et nouvelle dégustation, Patrice a trouvé l'alchimie à son goût. Exceptionnellement ce jour-là nous n’avons pas pris l’apéro. Nous avons parlé des étapes suivantes avant la commercialisation. Il leur restera à procéder au "tirage", il procèderont au transfert du vin des cuves vers les bouteilles (en respectant l'assemblage) le vin subira la 2ème fermentation ! Elle se fera au repos au frais dans la cave, c'est grâce à elle que naitront les bulles et la mousse que l’on découvre à l’ouverture de la bouteille. Les levures travaillant dans un milieu clos produiront tellement de gaz carbonique que la pression dans la bouteille pourra atteindre six bars. La deuxième fermentation produit un petit dépot qui va être amené inclinaison et « remuage » des bouteilles, vers le goulot. Il y a encore quelques années cela se faisait à la main. Aujourd'hui on peut remuer les bouteilles mécaniquement, elles sont placées dans des casiers métalliques qui contiennent chacun 503 bouteilles, l’ensemble est incliné et subit une rotation mécanisée. Comment fait-on pour évacuer ce dépôt juste derrière la capsule de la bouteille ? C’est une autre étape, le dégorgement. Il y a la méthode manuelle, les bouteilles ont été bouchées par des capsules qu’il faut retirer, la pression est très forte. D’un geste franc on débouche pour laisser la pression chasser le dépôt et rebouche pour ne pas perdre trop de champagne, on complète ce qui manque par de la liqueur et on bouche à nouveau avec le bouchon de liège. Si on procède de cette manière manuelle, c'est pour le folklore, aujourd’hui le système est mécanisé. Le dépôt est gelé dans un bain de glycol et on fait juste partir un petit glaçon. L’étape avant commercialisation et expédition c’est "l’habillage", on les pare d’un bel habit, étiquettes, collerettes, étain, « capsule congé ». La dernière étape du jour fut tout de même la dégustation de charcuterie ainsi qu’une coupe de Champagne pour la saveur de son mystère, l’alchibulle.



Poème posté le 07/01/20 par Francis


 Poète ,
 Illustrateur
Francis



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