Le dit de la Vierge du Pilier de Notre-Dame de Paris
par Ombrefeuille
par Loren
Photo avec effets spéciaux
par Jim
Pèlerins des lointains, gens d'ici,
Vous que la pénombre de la pierre
Déposait au creux de ma prière
Jusqu'à ce jour de terreur saisi,
Jusqu'à ce soir frappé de stupeur,
Jusqu'au seuil de cette nuit terrible
Où la cathédrale insubmersible
Devint la proie d'un feu ravageur,
Soyez consolés, ne pleurez plus :
Je demeure, au-delà de l'absence,
Et je veille, en mon profond silence,
Sur vous, familiers ou inconnus.
J'entendais s'enfler le long brasier
Animé d'une rage démente
Qui dévorait l'auguste charpente,
Je me tenais là, près du pilier
Où souvent s'arrêtèrent vos pas,
Quand la voûte presque millénaire,
Blessée, laissa tomber jusqu'à terre
A mes pieds de rougeoyants gravats.
Se peut-il que je doive au hasard
De m'avoir épargnée, préservée ?
N'est-ce pas là la marque avérée
D'un bras puissant, d'un divin regard* ?
Ô vous tous qui passiez en ces lieux**,
Ouvrez-moi la tente de votre âme***,
Accordez asile à Notre-Dame****,
Porte qui s'élève dans les cieux***** !
Lors, ne craignez point le désespoir
Et ne redoutez point les tempêtes
Qui se précipitent sur vos têtes,
Nées de l'abîme putride et noir
De l'enfer. Je veille, et j'ai vaincu,
Déjà, les assauts de l'incendie,
J'ai vaincu l'insulte et l'infamie,
Et celui qui se croit invaincu …
Note quant aux passages bibliques auxquels se réfèrent les vers marqués d'étoiles,
dans la traduction d'après la Vulgate par le Chanoine Crampon :
* Evangile selon Saint Luc - chapitre 1 - versets 48 et 51 :
"Il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante"
"Il a fait œuvre de force avec son bras"
Paroles prononcées par la Vierge Marie, juste après l'Incarnation du Christ en elle, lors de la visite qu'elle rendit à sa cousine Elisabeth, enceinte de Jean le Baptiste (également appelé le Précurseur). Ces paroles font partie du cantique connu sous le titre de "Magnificat", le premier verset disant dans le texte latin "Magnificat anima mea Dominum" ("Mon âme magnifie le Seigneur"). Il est important de noter ici que le mot "bassesse" ne saurait être pris dans son acception morale, qu'il n'est donc pas synonyme de "vilénie". Le sens qu'il revêt est plutôt de l'ordre de "peu de chose", et certaines traductions plus récentes donnent "l'humilité de sa servante" ou "son humble servante", des formulations plus explicites aujourd'hui.
** Livre des Lamentations - Chapitre 1 - verset 12 :
"Ô vous tous qui passez par le chemin, regardez et voyez
s'il y a une douleur pareille à la douleur qui pèse sur moi …"
Ici, c'est le prophète Jérémie qui prête à la ville de Jérusalem dévastée ces mots déchirants, et plus tard la tradition catholique occidentale a repris ce verset dans
le cantique du Vendredi Saint intitulé "Stabat Mater" ("La Mère se tenait debout"), attribuant ces "Lamentations" à la Vierge Marie au pied de la Croix.
*** Evangile selon Saint Jean - chapitre 19 - versets 25 à 27 :
"Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie femme de Clopas, et Marie de Magdala. Jésus, voyant sa mère et auprès d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère : 'Femme, voilà votre fils'. Ensuite il dit au disciple :
'Voilà votre mère'. Et depuis cette heure-là le disciple la prit chez lui."
**** Ici la référence n'est pas biblique, mais vient de l'usage ancien, médiéval notamment, que les églises et cathédrales étaient lieux d'asile pour quiconque
en franchissait les portes, ce qui interdisait qu'on y arrêtât qui que ce fût.
***** Psaume 23 - verset 7, répété mot pour mot au verset 9 :
"Portes, élevez vos linteaux,
Elevez-vous, portes antiques,
Et le Roi de Gloire fera son entrée."