Tu parles !
par Pilar
Quand tu parles avec quelqu’un tu tisses un lien
À l’arrêt bus en bavardant sur tout ou rien,
Avec ton voisin qui caquettera sur toi
Quand tu marches, à deux, main dans la mains, dans les bois,
Quand tu soliloques même, tu te dis des choses,
À toi, comme à un ami avec qui tu causes,
Au travail, à la foire, qu’importe, il est là,
Cet autre toi qui t’approuve ou bien te rassure,
Te taquine, te gronde, entre caresse et morsure.
Il est là, tu le vois, tu le sais, sa vie vibre :
Entre les deux se dessine un point d’équilibre.
A l’écran, sous pseudo, sans image à donner,
Dans un intime avec soi, tel un roi bien né
Tu causes au vent changeur du sens de tes mots,
Tu aimes répondre plutôt plus tard qu’aussitôt,
Entre deux phrases tu te délectes d’un morceau
De musique, de viande, d’apéro ou de gâteau,
Tu vas au toilette, tu réponds au téléphone.
L’autre guette ta réponse, attend l’argument
Mais ne sonde aucune perplexité, ce blanc,
Temps où le silence parlerait encore de toi
Si vous étiez deux, en vis à vis, lui et toi.
Le silence du clavier reflète l’absence,
L’autre par intermittence y perd son essence,
Mal remplacée par une muette apparence.
Facile d’aboyer puis, vite, de se sauver,
Laissant l’autre « en face » cauchemarder ou rêver.
Parler c’est tricoter un lien entre deux êtres
À partir duquel, l’un par l’autre, chacun peut naître
Encore et toujours, d’instant en instant, en vrai !
Parler en direct, c’est (s’)animer sans arrêt,
C’est se faire tour à tour miroir, acteur, image,
C’est chercher en commun l’acceptable langage
Qui au-delà des mots dira la vérité
Cultivera pour longtemps la fraternité.
Parler
c’est le flot courageux
du souffle
entre écoute et expression
entre inspire et expire
Vie sociale
partage du temps
et de l’espace
Créative d’idées nouvelles
culture de l’accord
et du désaccord
la parole
est le cœur de l’humanité
Naît du cœur des humains
elle a pour voisin
qu’elle fait grandir
le plus fragile
et le plus puissant
des alliés :
l’amour.
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"trop de pensée, pas assez d'image" diront certains. Qu'importe ?!<br />
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Poème paradoxale… peut-être !<br />
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Comme dit Cryano en réponse à la proposition honteuse de De Guiche :<br />
Impossible, Monsieur ; mon sang se coagule<br />
En pensant qu’on y peut changer une virgule.<br />
De guiche :<br />
Mais quand un vers lui plaît, en revanche, mon cher,<br />
Il le paye très cher.<br />
Cyrano :<br />
Il le paye moins cher<br />
Que moi, lorsque j’ai fait un vers, et que je l’aime,<br />
Je me le paye, en me le chantant à moi-même !<br />
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Et voilà levé le paradoxe
Poème posté le 31/05/18