Accueil
Poésie libre / Que nous sommes bien sinistres
              
Poésie libre / Que nous sommes bien sinistres
         
Poésie libre / Que nous sommes bien sinistres

Signaler un contenu inaproprié.

Que nous sommes bien sinistres
par Gilliatt Lazarel


Chers amis, Que nous sommes bien sinistres. Auditivement sinistres, visuellement sinistres, gustativement sinistres, olfactivement sinistres, tactilement sinistres. Sinistres en tout point. Qui n'a jamais singé, pris dans les griffes d'un lent fardeau, le terrible pousseur de pierre, humble vieillard détraqué ? Mes pauvres petits enfants que les astres ont gâtés, voyez comme la grosse boule vous a apprivoisés. Accablante, épaisse pierre ! Frappez-la si l'audace vous monte au collet ! Le rocher, le pavé, la happelourde... (Mais bon sang), brisez-les ! Car si c'est du crochet que dépend le poisson, c’est au guichet que les brebis se succèdent -saisissez-vous ? - Que nous sommes bien sinistres. Vers l'automate, dégoulinant de coquetterie, se tournent les numéros sur patte, -batteries improvisées- qui, d’ailleurs, sur tous les dos s'imprimeraient si la nature l'eut autorisé ; de temps à autre, aux autres corps, chevillé, avance un de ces pantins désarticulés, laissant le reste du troupeau immobile et ensommeillé. Que nous sommes bien sinistres. Un chant de victoire se prépare timidement, sans une once d’insolence, puis d'une âpre gorge s'envole un petit air de révolte mais étouffée par la moiteur, la vaine mélodie virevolte ; enfin, sans l'écho attendu, la vaine voix vire, la voix tremblante s'éteint dans les bras engourdis du silence. Que nous sommes bien sinistres. La tempête aigrelette a fini de gronder, et, d’écarlate à livide, l’ange hagard s’est encore une fois éloigné ; c’est là que l’automate,-le temps l’a fatigué-, relève de nouveau son visage : « Cent vingt-quatre !? », et quatre-mille cochons en chœur, parfaitement immondes, comme s’ils se rendaient à l’auge, apprêtés pour rentrer dans la ronde, comme s’ils s’en allaient grappiller les restes d’un vieux bovin sans âge, et… Que nous sommes bien sinistres. A-t-on déjà vu autant de gamellards barboter dans le purin de la servitude d’où se dégagent de violents relents de saumure ? Mais ne nous éternisons pas un instant de plus dans cet interlude car miracle !? Un des leurs a obtenu le bout de papier tant convoité, à l’usure ; Heureux qui comme un forçat, a fait jaillir une fontaine de sueur ou comme celui-là qui, dans un sinistre bouquet final, conquit le document sans saveur. Que nous sommes bien sinistres.



Poème posté le 03/09/18 par Gilliatt Lazarel



.