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Je ne joue plus
par Lorant


Je ne joue plus. J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans. Je ne joue plus. Je suis trop vieux pour le jeu. Je ne joue plus à la marelle. Espérer atteindre le septième ciel suivant où tombera un putain de ptit caillou de putain de ptit poucet qui cherche à ce que ses parents arrêtent de l’abandonner. Je ne joue plus à colin-maillard pendant des heures : "C’est qui ? j’vois rien !" Je ne joue plus à 1, 2, 3 soleil. Si je te vois bouger t’es éjecté, t’as pas l’droit au soleil. Je ne joue plus au grand méchant-loup-y-es-tu? Attendre qu’il soit rentré pour aller se promener. Je l’emmerde le grand méchant-loup-y-es-tu? J’y vais quand je veux moi dans les bois ! Y’a que les gosses pour avaler toutes ces conneries : Jouer à atteindre le septième ciel Attendre le soleil Tâter l’autre à n’en plus finir d’essayer de le découvrir. Jouer à se faire peur du grand méchant-loup-y-es-tu? Moi aussi mes parents m’ont abandonné, le 18 février 1980, parce qu’ils avaient trouvé un autre petit poucet qui devait avoir l’air tellement plus apeuré d’être abandonné. Mais j’ai pas envie de les revoir se pointer avec leurs mains pour me serrer, j’aurais trop peur qu’ils me serrent le cou, peur qu’ils se soient re-pointés juste pour achever leur ancien premier petit poucet qui devait avoir l’air tellement moins apeuré d’être abandonné ! Quand tu flippes de l’assassinat de tes géniteurs, qui t’ont déjà dégénitisé, ça te fait bien marrer un grand méchant-loup-y-es-tu? qui, en plus, est toujours joué par un plus petit que toi, un plus petit que moi, qui a la priorité à endosser ce costume de futur mal-aimé, impossible de se faire aimer, aimer faire peur. Même avec des tas de grands méchants-loups-y-êtes-vous ? ça m’a pas empêché d’atteindre le soleil et le septième ciel. Sans caillou. Et sans petit poucet. C’est bon le soleil ! C’est chaud ! Très chaud ! Un peu comme l’enfer. Peu importe la source pourvu qu’on ait la chaleur. Qu’on ait chaud ! Bien chaud ! Tellement chaud que parfois on s’crame ! Oui je suis déjà allé en enfer, bien sûr. Tu arrives au soleil en passant par le septième ciel, tu y restes un peu trop longtemps sans protection, la première fois, tu prends ton temps parce que c’est bon, c’est chaud, tu découvres l’autre, c’est excitant, tu t’intéresses, tu donnes ton temps, des sourires, des caresses, et puis t’es tellement bien que tu oublies que tu es sans protection et tu commences à cramer et sans t’en rendre compte tu finis carbonisé et tu te fonds la gueule directement en enfer. Aujourd’hui c’est moi qui ai un petit poucet. Je lui remplis ses poches de putains de ptits cailloux pour essayer qu’il ne se sente pas abandonné. Alors ça me fait bien marrer tous ces jeux d’enfants inventés par des adultes qui ont besoin de continuer à jouer aux enfants pour essayer d’y croire mais même plus essayer de choper le septième ciel. Même plus espérer attendre le soleil. Peur de prendre un peu de temps pour découvrir l’autre de peur que ça dure des heures. Si peur de se retrouver abandonnés dans la forêt qu’ils se sont acoquinés avec tous les grands méchants-loups-qui-y-sont ! qu’ils ont laissé sortir du bois pour avoir une excuse d’avoir peur d’atteindre le soleil. Moi ça me dit plus de jouer. J’ai déjà tout joué. J’ai joué à tout et tout vécu sans jouer. J’ai aimé tous les jeux et toutes les vies vécues. J’ai vécu si fort que j’en veux encore et que les jeux, ça m’dit plus.



Poème posté le 06/09/18 par Lorant



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