REMEMBER !
Le printemps sur nos bancs
et dans nos palpitants
soudain a débarqué,
les bourgeons, les p’tit'fleurs
se sont mis à danser,
on s’rait cru en été
et les piafs, tout contents
secouaient en cadence
sur les fils déglacés
du joli petit square
au 7, rue de la gare
leurs scoumounes passées.
REMEMBER !
Le froid, ce grand flingueur,
a cessé ses morsures,
dégommé nos gelures
et déposé sa marque
sur nos cartons troués,
nos maisons éventrées,
jeté au caniveau
nos galères d’hier,
au pied de nos carcasses
éculées nos godasses,
nos douleurs dans le dos,
nos sal’ vies de clodos,
nos routines bien moches
et chanté en duo
le grand air de la Cloche.
REMEMBER !
« Un petit courant d’air
caresse nos paupières
je serais presque bien
dans tes bras mon Joseph
si ce coquin de zef
ne m’ donnait des idées,
si j’ n’étais pas si vieille,
malade et tant ridée,
si l’on pouvait avoir
un peu plus à béqu’ter,
un toit pour s’abriter
et un peu plus d’ amour
ensemble à partager… »
REMEMBER!
C’est nos corps qu’on oublie,
épaves sacrifiées
aux grands bains de la foule,
vieux débris qui s écroulent
quand le bonheur ailleurs
s’écoule, on se réchauffe
aux rumeurs de la rue
qu’à jamais indiffère
le sort des indigents
et des crève-la-dalle...
Et quand on disparaît,
lorsque sonne l’arrêt
d'nos putains d' existences,
même pas un silence
ne viendra déranger
ces salauds de nantis,
même pas une trêve,
dans la rue, seuls, on crève,
sans pitié, sans chichi,
seuls on aura vécu,
seuls on sera encore
à chialer sur nos morts
au 7, rue de la gare,
allongés sur un banc
du joli petit square
un matin de printemps.
REMEMBER !