Nous étions dans l’arrière-pays grec,
Sous le ciel de plomb d’un jour de vacances,
La canicule nous ouvrait le bec
Quand nous eûmes cette belle expérience.
Enjouée et prise de compassion,
D’un lumineux sourire aux dents parfaites,
Andrea nous ouvrit grand sa maison
Où nous pûmes chanceux battre en retraite.
Le décor était vieux mais chaleureux,
Grand-mère triturait des petits pois
Dont les cosses entre ses genoux cagneux
Tombaient dans un bac posé de guingois.
En nous jetant le même regard bon,
Elle faisait sa tranquille corvée,
A la radio passait une chanson
Que dans son dialecte elle fredonnait.
La belle nous servit un vin très doux
Suivi de gâteaux secs à la semoule,
Sa jupe en deux va-et-vient de froufrous
Mêlait l’origan à la farigoule.
Dans un français un peu acidulé
Elle s’enquit d’abord de nos prénoms
Avant d’un peu plus loin interroger
Les folles raisons de notre excursion.
Nos sacs à dos et notre air exotique
Émoustillaient ses interrogations,
Nous répliquions de réponses comiques
Guettant son rire doux comme un bonbon.
Ce souvenir présumé-je effacé
M’est revenu comme un vif boomerang
Au restaurant hellène où je dînais…
J’ai failli d’un coup avaler ma langue !
Soudain cette mélodie familière,
Celle que la grand-mère murmurait,
Réenflammait comme un coup de tonnerre
Mes vingt ans sans rides qui sommeillaient.
Et d’un éclair m’est venu l’été grec
En l’an mille neuf cent quatre-vingt trois,
Les petits pois, le vin, les gâteaux secs,
Son jupon clair comme l'était sa voix.
https://youtu.be/e_m-qFxuCDs