Les sortilèges de la nuit
par Banniange
par Banniange
Wilhelm
Sentez-vous frémir le sol de l'aride lande,
Entendez-vous les grondements noirs des nuées ?
Les peupliers fiévreux font une sarabande,
Les sombres choucas tordent leurs ailes brûlées
Et les spectres de l'orage roulent sans fin.
Sorti des entrailles fumantes des enfers,
Le destrier des ténèbres aux rouges œillères
Traverse les forêts dans un galop soudain
Piétinant avec rage les filles de l'aube,
Il transporte un cavalier au visage en feu,
Sa lourde armure que la nuit encore enrobe
Résonne comme le glas des hivers sans Dieu.
Il vient chercher celle qui tous les soirs le pleure
Que ses douleurs et blasphèmes ont réveillé,
Il vient de plus loin que le souvenir des heures
D'un pays sans mer, sans nuage, sans clarté.
« Car les morts vont vite, ils ne s'arrêtent jamais »
Souffle-t-il à son ange blanc comme un linceul
Qui accourt gémissante sur les herbes folles,
Ses cheveux d'ébène dans les brumes s'envolent.
« Hâte-toi, les morts ont si peur de rester seuls ».
Le furieux aquilon les emporte enlacés,
Tandis qu'au loin des chants funèbres se confondent
Dans un tourment tourbillonnant de voix immondes.
Tout autour d'eux s'évanouit dans des décombres,
Les étoiles, les montagnes, les arbres sombrent,
Blessé par les ronces nocturnes, l'horizon
Répand longtemps son sang dans un ciel moribond.
Las, les amants sur leur coursier, ensorcelés,
Ne peuvent voir venir à eux le gouffre amer
Qui, cruel, les engloutit pour l'éternité.
Un cri d'agonie ébranle alors l'univers...
La Ballade de Lénore, superbe poème écrit par Gottfried August Bürger et traduit par Gérard De Nerval, reste un monument de la littérature fantastique romantique qui inspira tant d’œuvres que ça en donne le tournis !
Whilhelm, son défunt amant est venu un soir l'enlever pour une ultime ballade...
Poème posté le 17/04/19
par Banniange