Venise
par Sucre et sel
Il est dedans Venise un clos jardin secret
Où roses alanguies et pâle chèvrefeuille
Ombrant la pierre usée d'une stèle oubliée
Embaument mon chagrin quand j'en franchis le seuil.
Venise la torride ce matin m'attendait,
Sa puanteur sucrée sourdait de chaque pierre,
Enivrante, envoûtante, haleine empoisonnée,
Parfum lourd du désir, souffle court de la mer.
La barrière a grincé et mon âme a gémi,
Sur sa douleur secrète trop longtemps refermée,
Et tous les souvenirs ont souvent envahi,
En vagues inlassables, le sable du passé.
Sous les ombres bleutées la pierre était muette,
Lettres d'or effacées au silence rendues,
Les hivers ont gommé l'anonyme poète,
Mais son souffle est en moi, vol du temps suspendu.
L'angelot tutélaire à la pierre lépreuse
Frôlait d'une aile grise la branche du pêcher,
Le soleil triomphant de la Venise heureuse
Caressait, langoureux, son sourire ébréché.
Venise et mon poète, l'un à l'autre liés,
Ardeur de vos soupirs, sortilège de l'eau ;
Masques au regard clair, ogives des palais
Ajoutaient la lumière à la magie des mots.
Vertige de l'absence, mort-amour-nostalgie…
Dans les canaux profonds où mon cœur s'est noyé
Flotte encore, comme une algue, le désir, la folie
D'une caresse amère, à Venise, un été.
Poème posté le 05/07/09