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Poésie libre / La nuit, tous les chats ne sont pas gris
           
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La nuit, tous les chats ne sont pas gris
par Ann


par Ann


Les gens croient que la nuit s’est mise en ménage avec ses démons mais c’est une rumeur à dormir debout. Bien sûr, l’hiver est rude dans la rue. On en meurt par indifférence, par la volonté des bien blottis dans leur lit pressés de chasser les indigents de leur conscience, chasser leur peur de finir comme eux, chasser la peur d’un monde inconnu. La misère dans des logis insalubres ne dérange pourtant personne. Ce n’est pas la nuit ou le froid qui tuent les dormeurs du pavé mais la société qui n’aime pas qu’on lui refuse l’allégeance quand ce n’est pas cette même société qui à son ban rejette une population fragile à qui on refuse un banc pour dormir, une bouche de métro pour se chauffer. Histoire d’entretenir la peur ancestrale, on raconte encore aux petits enfants des histoires épouvantables tirées d’une époque pas si lointaine où les superstitions clouaient sur les portes des granges, les chouettes, les hiboux et les chauves-souris. De tous ces drames, la nuit n’est pas responsable. Le grand méchant loup est mort, la forêt profonde de l’ogre est bétonnée et les sorcières en cendres. La nuit, tous les chats ne sont pas gris. Les nuits interlopes des grandes villes ne me séduisent pourtant pas. Je suis une sauvage qui n’aime pas noyer mon sommeil dans l’alcool avec en paiement des amitiés stériles de bohèmes désœuvrés comme je me méfie de ces violences urbaines à la lumière des lampadaires. L.es hommes sont des loups et les loups des agneaux qui sont trop bêtes. Je crois bien qu’en fait, mon premier amour fut le loup du chaperon rouge. Quand à la cloche, nous fûmes contraints, mon compagnon de baguenaude choisit alors les chemins de campagne et les villages. Avec nos sacs au dos, nous passions pour des voyageurs, tout au plus des originaux. Nous donnions confiance, les habitants nous payaient en eau, cette précieuse eau dans les vallées sèches si fréquentes dans les paysages accidentés. Avec cette eau, nous étions toujours propres comme les sous neufs que nous n’avions plus. Nous étions heureux au jour le jour, à la nuit la nuit. Les étoiles pour nous seuls éclairaient notre tapis de feuilles que nous n’aurions pas échangé contre celui des mille et une nuits, nous vivions à chaque bruissement une nouvelle histoire. Quelquefois, un mulot filait sur notre couche, un autre de notre fromage, nous laissa la croûte. Certaines nuits, le chant d’une dame blanche accompagnait nos amours champêtres. Une nuit de pleine lune, les crapauds firent la fête dans le marécage alors que les flammèches du feu mettaient de l’or dans les yeux de mon amant d’infortune aussi bien que les ronces jetées aux braises. Le craquement d’une branche surprenait l’harmonie des feuilles qui dansaient dans un souffle d’air. Une autre fois, nous partageâmes notre repas volé à une poubelle avec un couple de renards. Dans la solitude, il n’y eut que la mort qui aurait pu nous enlacer sans crier gare. Fut-ce si grave ? Le ciel était tout à nous, nous pouvions oublier les bonnes manières. Nous vécûmes nos plus belles amours, enveloppés dans ces nuits apaisantes nichées aux portes de la civilisation. Jamais aucun monstre ne déchira l’obscurité pour nous trucider. Jamais un chat enragé ou un coupe-jarret ne fit un intermède à notre vie nocturne.



Poème posté le 15/01/20 par Ann



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Ann



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