Ecrit par Jean Cocteau
Est l’un des premiers hommages
du poète à son ami peintre.
"Parlant d’un peintre, j’évite de peindre.
Je lui consacre un poème non décoratif mais réaliste.
J’essaye de m’exprimer le plus possible sur son drame
avec un vocabulaire modeste, d’employer le vide comme une marge
Je réunis un petit nombre de petits mots usuels dont seules les perspectives
S’harmonisent".
En deux actes :
1 – L’homme assis
L’or de la glace
tourne autour.
Le dompteur de muses qui attache,
une casserole
au caniche de la troupe,
a son tour puni
médite
un mauvais coup,
un croc-en-jambe, car
les ayant taquinées il fut
pris dans leur ronde terrible,
et là il cherche
par où sortir !
2 – Les muses
L’accident qui aurait pu arriver
s’achève en fugue.
Preuve par neuf* ;
il jouait seul
et sa main déplace les muses.
Carré de Dames :
une charnière les dédouble ;
en voici huit
et le greluchon, Polymnie.
Les
neuf
muses
neuves,
sauf une, car
Polymnie en surnombre
(elle habite avec moi)
m’emmène chez le picador ;
mais aussitôt l’œil du maître
la repousse
au matricule numéro neuf
et son pousse étale un éventail
du groupe.
Même en ce cloître
la petite Erato trépigne
d’être belle sans cheveux.
Un solfège d’épaisseurs
drape Euterpe ;
elles furent jadis chefs d’orchestre
au palais de l’usine à notes,
dont le moteur
bat c’est ton cœur.
Terpsichore, attentive
à soutenir toutes ces dames
en équilibre
sur sa hanche,
Avec un appareil de velours et d’or.
Ecoutant la guitare fée,
les objets te suivent Orphée
jusqu’à la forme que tu veux.
Clio du zinc, Calliope
téléphone les faits-divers
et Uranie allume les becs de gaz
qui fardent les marronniers par-dessous.
Guignol la guillotine
Thalie
et
Melpomène.
Alors les tambours de Santerre
vous font taire, reine bavardes.
Le solitaire*
Mange la ville.
Son distributeur vous débite
complétement différentes.
Il partage
le soleil l’ombre
et comme il a cassé sa guitare
sur la grosse tête de Clio,
elle titube et elle oublie
l’ordre des dates.
Il vous épouse. Il vous séquestre*.
Il se promène sur l’asphalte
Si douce à sept heures et demi de septembre
au bord des grands cafés à l’ancre
où la mort écrivait ses lettres
sous un lustre de Noël.
Où ? Qui ? quoi ? Quoi? Il vous délivre*
et consulte l’obéissance.
La batte ouvre un œil d’équerre.
Danseur vêtu de ripolin.
Maison close dans tous les sens :
Etonnante découverte.
Un silence d’espadrille
précède le marlou
que Mnémosyne paye neuf fois,
car elle tient un compte exact
De ses filles.
Rien dans les manches rien dans les poches.
Un monsieur*
Voudrait-il prêter son chapeau
A l’arlequin de Port Royal ?
Ecrit par Jean Cocteau
Cette Ode à Picasso
est la
Version définitive de 1920
Je l’ai trouvée dans un livre de
Poésies et morceaux choisis du même auteur.
A noter que les vers en italique
étaient positionnés à droite du texte.