Se tenait ce soir à la clairière du gibet
Inique procès d’un certain baudet…
Badernes cacochymes , de vives semonces
Vilipendaient donc la vieille ânesse un brin folle,
Incorrigible trublion d’une vilaine troupe
Dont il suffisait de flatter la croupe molle
Qu’un verdict, juge et partie, sans témoins, prononce.
– Dame Aliboron, sur l’heur’, plaidez vos erreurs !
Se moqua le prétoire prompt à l’abattoir.
– Cet animal ne marche pas à la carotte !
Maitre, il est absent, le pendre c’est sans espoir,
La greffière ânonna : « La bête n’est pas sotte !
Elle loffe au barreau …
… Comme un poisson dans l’eau
– De nous tourner les sens, la bourrique a le chic !
Il nous faut lui couper la langue en lieu public
Avant que cette mule harangue la foule
Et que notre association tangue dans la houle.
– Sur le fond, l’âne dit vrai, fit un comptable.
D’un autre : « C’est bien ce qu’on reproche au coupable !
Il eut suffi qu’il se confiât sans préjudice
A nos ambitions, en courbant l’échine
Puis quitte la place par la porte de service. »
Le tribunal de fripouilles du chef opine.
Pleine de morgue, la mauvaise troupe bêle :
– Il ne faudrait pas que la Justice s’en mêle.
La peur au ventre, nous fait défaut le courage.
Condamnons l’animal, disons qu’il a la rage !
Les brigands ainsi tremblaient sur leur fondement.
Sous son bonnet, de l’âne on sait l’entêtement.
Allant voir par près et champs si l’herbe est plus verte
Tout simplement, la bête …
… attendait une enquête
A ne point prendre sur ses erreurs du recul,
On mérite bien un coup de sabot au cul.
Une baderne est une tresse de vieux cordages qui protègent des éléments – terme de marine- Cacochyme : de faible constitution.
En terme de marin, loffer : manœuvrer le navire.