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Poésie libre / La basilique du saint-désarroi
              
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La basilique du saint-désarroi
par Djokaire


Ô Basilique du Saint-Désarroi, Tu sais, tu n’es pas mon premier choix, Je doutais un peu puisque je suis passé Par ce qu’on nomme la Porte des Regrets Mais déjà chialaient quelques donzelles D’avoir égaré ce qui faisait leur vie belle, Et le poncif du cœur, de trop, me séduit Que je ne veux y faire rimer ma nuit. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Que la douleur sempiternelle qui m’échoit Puisse trouver le répit sous ton parvis ! J’en suis même prêt à, si tu le demandes, Peut-être rentrer pour cramer des bougies, Bien que je ne crois point à ces légendes ! Peut-être qu’au partir, ma peine qui renâcle Pourrait nous offrir un nouveau miracle… Ô Basilique du Saint-Désarroi, Je te remercie de m’accueillir sous ton toit ; Moi, l’apostat de toutes sortes de Paradis, Que ce soit les vôtres ou ceux de vos ennemis, Moi, le maudit du loup blanc devenu chien Qui n’est jamais sûr de tout sinon de rien, Moi, le fou préférant croiser Siddhārtha Et dont la lassitude m’aura échoué ici-bas. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Tu sais car moi, je le sais que déjà je te déçois ! Fils de quiconque, abandonné de père et mère On me dit souvent : « petit orphelin solitaire », Tel qu’il serait ainsi mesuré pour me préserver De me rappeler à ma mélancolie désespérée ; Car, vois-tu, je ne suis sur tes escaliers liminaires Rien de plus qu’un homme, qu’un autre hère… Ô Basilique du Saint-Désarroi, Ce n’est point la première heure que tu me reçois, J’ai déjà venu me réchauffer vers tes candélabres Dans l’espérance d’assécher mes plaies cinabres ! À l’époque où j’étais encore un malheureux enfant Qui venait emmerder ton silence pour un moment En implorant ta vénérable et prétendue miséricorde Et voilà, maintenant que j’attends que tu me l’accordes. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Je me suis souvenu de notre rencontre, quelquefois, Après les cours de primaire, ce petit lardon insistant Que son vieux paternel aime à nouveau sa maman Puis que le mari de cette dernière se tire à vive allure Emportant avec lui son vin et le cuir usé de sa ceinture Car ce loupiot n’imprime pas pourquoi la perfection Est la seule vertu l’absolvant des corrections. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Depuis que ne résonne que ma fausse et lasse voix Dis-moi, sagesse immaculée, où est donc mon père ? Celui qui m’a fait et celui qui aura ainsi déjà capitulé Puis celui qui l’aura remplacé pour venir me rosser ! Où est donc la tendresse familiale sensée vulnéraire ? Moi, sur lequel on a craché pour s’être plaint de cela, D’avoir encore, au demeurant, déserté au combat. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Tu m’excuseras, j’espère, de mes déplorables émois, Faut dire que j’ignore tout de tes vieilles cérémonies Mais, soyons honnête, j’ai déserté l’idée d’euphorie ! Avant, je craignais l’implacable enfer et ses tortures Pensant, qu’après la mort, je les mériterais à l’usure ! Puis je me suis dit, pauvre pomme, que si je dois y aller C’est que c’était avec elle que flamboyait l’Empyrée. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Je dois dire que je ne désire point causer que de moi, Et puisque j’ai abordé le sujet, j’aurais voulu savoir Ce que valait, du reste, notre dantesque histoire… Notre ineffable souvenir et puis nos lamentations, Sans omettre la saveur de nos lascives tentations Alors qu’elle, excuse-moi le mot, dévoile son cul À qui veut bien la contempler faire danser la rue. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Devant ton silence contre lequel je m’apitoie, Je suppose qu’il n’y a bien que dalle à dire sur nous Si ce n’est que c’est pour un autre qu’elle vocifume, Que c’est pour un autre qu’elle se flanque à genoux Car il n’est plus mon rôle de venir peindre sa brume ! Alors puisque c’est cela, oublie donc ma triste question Et puis je prierai mon esprit de ne plus y faire allusion ! Ô Basilique du Saint-Désarroi, Je comprends bien que ledit désarroi, de sacré, le soit ! Tant je le chéris, tant qu’il demeure mon fidèle apôtre… Avec le triste, le morose, le tragique et puis bien d’autres, Ce qu’il est auguste, n’est-ce pas, ce satané compagnon ? Sans doute qu’il l’est autant que la couleur du pognon ! Après tout, c’est bien pour eux que tu as foulé la terre D’autres peuples dans l’espérance d’y tenir la guerre. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Que dire sinon que me manque le doux de ses doigts, Tu sais, moi aussi, chaque jour, j’idolâtrais des saints ! Bien qu’ils n’étaient pas tout à fait semblables aux tiens, Tel un fervent templier, je me mettais au garde-à-vous Dès que, pendant la prière, je pouvais voir ses dessous. Putain, que ce fut une splendide et jouissive direction Que de l’avoir, pour toutes les nuits, comme religion ! Ô Basilique du Saint-Désarroi, Puisque souffrir d’un amour damné n’est plus de bon aloi, Puisque les romantismes se sont éteints depuis longtemps, Tu sais, j’ai honte d’en faire des poèmes griffonnés au crayon, Perdu dans les bars du port et les édifices de l’ancien temps ! Bordel mais que c’était bon que de l’avoir pour horizon! Voilà tout ce que je suis capable de coucher sur papier ! À défaut des femmes si ce n’est les catins d’une nuitée. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Je commence à déplorer que tu ne sois point le Beffroi, Car je ne sais si du haut de ta tour, je pourrais m’y jeter ; Il y avait aussi, à y resonger, la Cathédrale Saint-Sauveur Mais dis-moi, si tu le sais, ce qu’elle peut bien sauver Sinon ce vague à l’âme qui nous frappe à toute heure ! Alors, me voilà piaulant ma passion ignée mais absente Qui n’a plus que le suicide comme image cohérente. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Puisque le trépas de la passion me détient à ses lois, Puisque que ne bat plus que son palpitant de statue Telles celles en ton porche qui tombent de leurs nues, Si tu ne me conserves plus que les canaux de Bruges Et leur profond abysse de zaffre pour unique refuge Comme tous ces profanes démunis qui s’y sont plongés De ne point avoir su croiser le sentier de ma dulcinée ! Ô Basilique du Saint-Désarroi, Tu le sais mais je ne suis plus empereur, ni majesté ni roi, Tout sarcasme gardé, crois-moi, je ne suis plus qu’un cri, Qu’un triste prince déchu, exilé au lointain de sa patrie Et puis dont la défaite impériale se profile en ta nation ; Comme l’histoire se répète tel le vertige de nos saisons Car si jamais j’ose toucher l’absolution de mon vivant Sûr que tu verras ma tête dans la gueule du Léviathan. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Je crains d’avoir légèrement prévariqué sur la voie, Voilà, mire un tant soit peu ce que m’offre ma muse, Et crois-moi que, de me voir meurtri, cela l’amuse ! Comme dirait ton maître, je me trouve bien misérable À pleurer une chose aussi futile que le désir errant, Mais que voudrais-tu ? Telle les flots de tes abbayes Cette putaine, créature du démon, je l’ai dans le sang ; Je te certifie qu’elle est la plus implacable des maladies. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Toi, le serpent dont le regard empoisonne et puis foudroie ! Je t’avoue que j’hésite à devenir l’un de tes sales serviteurs, Que la mort que l’on veut se donner soit l’interdit du bonheur Que la vertu me protège d’un rempart hautement gardé, De toutes ces succubes et leurs saloperies de créatrices Ah, ça, tu vois, ma vieille amie, je veux bien te le concéder, Toutes les femmes sont les délicieuses créatures du vice. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Je me hasarde à dénicher ce qui fomente ton effroi, Puisque l’on retourne tous, finalement, à la mitraille! Alors que, mort, je le suis déjà d’une tendre bataille ! Me voilà donc damné ou condamné de ton dieu Puisque son prénom réprouvé célébrait les cieux ! Ah ! Même mes détresses se croisent, comme quoi ! Et puis, devine un peu qui finira martyr sur la croix ? Ô Basilique du Saint-Désarroi, Où sont disparus les serments passionnels d’autrefois ? Ceux qui liaient la femme et l’homme, envers et contre tout ! Eh bah, tu sais, peut-être que j’irai marier un autre garçon, Si c’est cela le secret pour ne jamais voir éteinte sa passion Et puis, si jamais cela peut emmerder un peu ta foutue morale Je peux te dire, sans ambages, que je ne vois pas où est le Mal. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Que dirais-tu que, cherchant pour une nouvelle et douce joie, Je m’en aille violer quelques sœurs ou bien quelques vierges Qui s’échinent, le derche en l’air, à faire flamber des cierges ? Pour tous ces torts, selon tes mythes, que tu m’as octroyé, Que j’aille faire aimer à tes caméristes le goût de la sodomie, Quitte à se faire enfourailler, autant que ce soit par des amis, Puisque je suis là, ici ! Puisque, maintenant, l’on se connait ! Ô Basilique du Saint-Désarroi, Dis-donc, que faire si ce n’est espérer en tes gigantesques parois ! Car si les voies de l’Autre là-haut sont véritablement inviolables, Est-ce également le cas de ses abbesses une fois mises sur la table ? Ce serait quand même chaud de ta part de me conchier pour si peu Depuis que, pour la rédemption, suffit de prendre un coup de vieux Puis, dis, tu crois vraiment qu’il n’y a que dans la putain de sacristie Qu’il est le divin usage de s’enfoncer profondément le crucifix ? Ô Basilique du Saint-Désarroi, Du Sacré-Désordre, de la Putain-de-Détresse ou du Vil-Surmoi, Tu sais, lorsque je te vois offrir l’amour sans oser le défendre, Je songe à ces gens qui donne une jolie friandise aux marmots Dans le seul et unique plaisir malsain de la leur reprendre ! Quoi que l’analogie doit te rappeler des souvenirs séminaux ! Alors là, je me sens, je te l’avoue, petiot au tortueux destin Celui-là même qui aura perdu le combat et l’amour en chemin. Ô Basilique du Saint-Désarroi, T’as qu’à un peu tenter de voir comment, désormais, je louvoie, Tu sais, quand je rentre aux matins d’orange en compagnie déserté Chialant sur mes déchirures d’enfance et sur son regard smaragdin, Je m’arrête quelquefois contre tes pierres pour y lancequiner Ce que je n’ai pas gerbé, jusqu’à ce qu’il ne me reste plus rien Si ce n’est la saveur de quelques blondes au fond de ma gorge ; Inutile de préciser que je ne parle point de ces grains d’orge. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Oui, c’est ainsi mais c’est sur mon sort que je me larmoie Celui dont je voudrais me délivrer, celui qu’elle m’a jeté Ah, ça, t’es fortiche pour glacer la ferveur de mes amours ! Et puis pour renflouer la solitude de mes mornes discours ! Mais, tu sais, je vois déjà le sentier qu’il me faut pour chuter ! Et malgré ma complainte, je crois avoir besoin de rester seul Comme les clébards, c’est reclus qu’ira clamser ma gueule. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Je devrais peut-être pisser ton eau bénite du sommet de ton bois, Si tant est que cette arnaque ne me brûle pas de l’intérieur ; Déjà que la nitescence flavescente du jour m’instaure la peur ! Ah, on peut dire que sur toi, je suis bien tombé, n’est-ce pas ? Quoique ce serait plutôt du haut de ta tour qu’il faudrait voir Si je peux, en quelques secondes, achever ma triste histoire, Et comme tu le sais, tout le peuple ignorant s’en contentera. Ô Basilique du Saint-Désarroi, Tu sais, que les tiennes flambent, faisant raquer les bourgeois, Ou qu’elles reluisent de ce fameux patrimoine dit historique, Je dois t’avouer que je t’ai toujours trouvé salement laide ! Baroque ou gothique, l’amie, tu ne m’as jamais foutu la trique Sinon tes béguines dont, pour ma tringle, je demande l’aide ! J’emmerde ta prétendue vénusté tant je m’en prêche le culte, Vas-y, dès lors, tu peux me renvoyer à mes pratiques occultes ! Ô Basilique du Saint-Désarroi, Je t’invite à toiser, si tu l’oses un peu, mon sourire narquois, Car me voilà, frère de Monte-Cristo et puis fils de Baudelaire, Compagnon du pauvre Gavroche et de l’insolence du Flaubert ! Moi, enfant du blasphème qui demeurait éperdu d’avance ! Bien avant qu’il ne soit inventé, bien avant sa propre naissance ! Dis-moi donc à quoi peux-tu bien m’aider en échange de ma visite ? Y’a qu’à voir un peu, à notre époque, comment les gens se quittent ! Ô Basilique du Saint-Désarroi, Il n’y a rien que tu ne puisses faire pour rosir mon blanc minois, Je ne puis croire en tes conneries tel que j’ai refoulé mon amour Tous ces faux « pour toujours » que l’on se dit sur les carrefours ! Qu’importe les banalités déjà crachées, je te le redis sans hésiter ! Ton saint pouvoir de l’amour, tu devines où tu peux te le carrer ? Là même où tes prêcheurs vont dégoupiller leur chaste engin Tu sais bien, quand il est achevé de chanter pour les gamins ! Ô Basilique du Saint-Désarroi, Je préfère te laisser sur mes propos et mes luxes grivois ! Je ne te demande que dalle si ce n’est de me foutre la paix, Ne crois-tu pas qu’en butant son amour, tu en as assez fait ? Ma sordide putain, le désarroi, c’est de respirer sans elle ! Aussi con que ce soit, je n’ai jamais écrit phrase plus belle Allez, je te laisse crever en cette époque où n’est sacré Que le prix du prochain écran que l’on prévoit de s’acheter !



Poème posté le 25/02/20 par Djokaire


 Poète
Djokaire



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