Muguet
par Martial
Ils sont bien loin
ces dimanches de printemps
où nous partions, matinaux,
sur nos vélos, à Chaville
ou dans le bois de Vincennes
cueillir le muguet.
Souvent nous rentrions les mains vides
épuisés et malheureux.
Mais si la chance avait souri
nous ramenions, fiers
deux ou trois brins arrachés à la terre
et déjà brunis de soleil
que nous offrions à notre mère émue.
Amie, cette fleur-là n'existe plus.
A présent, le muguet pousse
en bataillons serrés
sous des tentes immenses
où il est mouillé, séché,
refroidi, chauffé
pour être prêt d'un seul bloc
un seul jour: le premier mai.
Alors des hordes immenses de marchands avides,
d'enfants, de mères fauchées
te violentent pour que tu portes
toi aussi à la boutonnière
ce muguet fatidique
et sans âme.
Amie, ce muguet, je ne peux te l'offrir.
Heureusement quelques sages
laissent venir encore, tout doucement
une touffe de muguet
au fond de leur jardin
Mais, pris dans l'engrenage,
ils n'osent m'offrir, à moi leur ami
ce brin fruit de leur labeur
que s'il vient avant le premier mai.
Même ce brin, amie, je ne peux te l'offrir
car il m'a été donné.
C'est vrai qu'on peut trouver
dans la cloche du muguet
un symbole de Paques,
de la résurrection alors,
ou du retour de la vie, simplement.
Mais de symboles avons-nous besoin ?
si oui, laisse-moi t'offrir
avec St Ex. et Ronsard
quelques roses de mon jardin.
Elles illumineront
tout le temps du printemps
tout le temps de l'été
tout le temps de l'automne
cet écran où tu m'as rencontré.
Poème posté le 01/05/20
par Martial