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Le sauveur face à la mort
par Claire


En sortant de l’hôpital de campagne de guerre, Mon tablier d’infirmière tâché de rouge sang, Faisait la peinture de l’odeur mortelle de l’air, Ou du bruit des fusils, obus et cris perçants.    Le cœur lourd je ne pouvais plus voir la mort en face. Voir toutes ces vies que je ne pouvais pas sauver, Rongeaient petit à petit mon cœur à la place. L’irréparable échec de la mort m’éprouvait.       Je suis partie me balader seule sur la plage. Quelques jours plus tôt, un Tsunami emporta Toutes les odeurs d’épices, les musiques et paysages De cette île qui perdit alors deux mille habitats.   Du matin au soir j’ai déterré des corps morts. Simple volontaire je ne m’étais préparée À porter ces corps, le mortel poids de leur sort. Trouver des âmes vivantes, j’en suis désespérée.       Ne pas pouvoir tous les sauver me terrifie. Leur départ m’est un échec insupportable. Je ne veux plus vivre ces scènes qui me pétrifient. Mais les abandonner serait impardonnable.       J’n’ai plus la force de retourner à l’hôpital. Sur le parking d’entrée s’est installée une morgue. Voir ce champ de tombe j’en ai plus la force mentale. Ces corps n’auront l’odeur d’encens, le bruit des orges.   Médecin de famille retraité je me sens, Face à ces corps jouant avec ce virus mortel, Fatigué, ignorant, incapable, impuissant, Espérant remède en miraculeuse nouvelle.       Ne pas pouvoir tous les sauver me terrifie. Leur départ m’est un échec insupportable. Je ne veux plus vivre ces scènes qui me pétrifient. Mais les abandonner serait impardonnable.       Soudain dans la forêt/sur la plage/au métro, Une vieille femme assise là me regarde et sourit. Son air apaisé me révolte. J’en perds mes mots. Pourquoi en cette époque si anxiogène elle rit?   «Mais ne t’en fais pas pour tous ces morts», me dit-elle. «Je ne m’en fais pas moi pour mon mari et mon fils. Vois-tu, je crois que dans ce monde les mortelles, Décident du jour où ils rejoindront les abysses.»       Comment peut-elle dire cela? Pour moi, Ne pas pouvoir tous les sauver me terrifie. Leur départ m’est un échec insupportable. Je ne veux plus vivre ces scènes qui me pétrifient. Mais les abandonner serait impardonnable.       «Tout est parfait, car ces âmes décident leur mort, Comme toutes les expériences qu’elles ont vécues vivantes, Avant même que du ventre de leur mère, elles n’en sortent. Tout était déjà décidé!». Sa voie me hante.   Alors je lui réponds désespéré : «Et moi? Si leur mort est déjà écrite, quel est mon rôle?» Elle me prend tendrement les mains et me dit : «Pour toi? Rassurer, accompagner ces âmes, c’est ton rôle.»       Oui, mais… Ne pas pouvoir tous les sauver me terrifie. Leur départ m’est un échec insupportable. Je ne veux plus vivre ces scènes qui me pétrifient. Mais les abandonner serait impardonnable.       «Sauve, aide, soutien, occupe-toi de tous tes patients. Ceux qui doivent survivre survivront et grâce à toi. Ceux qui doivent mourir mourront, mais pas sans toi. En cette épreuve de vie où il faut être patient…»   «Il ne faut pas qu’ils se sentent abandonnés», dis-je. «Rencontreront ange de la vie ou ange de la mort, Je ne peux pas décider moi-même de leur sort. Mais je peux les aider.» Cette femme est un prodige.       Pas toujours sauver ne me terrifiera plus. Leur départ est leur destin. Je les accompagne. Ces scènes de délivrance d’âme de m’effraieront plus. Je ne culpabilise plus. Je les accompagne.

Pour tous les soignants qui doivent faire face chaque jour à la mort.

Poème posté le 03/05/20 par Claire


 Poète
Claire



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