Pèlerin du silence, où va ta marche lente ?
En quel profond désert, au bout de quel chemin
As-tu voulu creuser le puits de ton attente ?
Toi qui de l'infini touches l'aube limpide
D'un regard libre et pur, au seuil de quel jardin
S'est abreuvé l'élan de ta soif intrépide ?
J'ai traversé la plaine où le temps suspendu
Effleure pas à pas les méandres de l'âme
D'un chant qu'on reconnaît sans l'avoir entendu.
Quand sur le vaste lac a glissé le bateau,
J'ai plongé en moi-même, en quête de la flamme
Qui m'emportait si loin, qui m'aspirait si haut.
Pèlerin du silence, as-tu trouvé sur l'île
La clarté de la source et le souffle du ciel
Déposés quelque part en la forêt tranquille ?
As-tu goûté depuis la nuit de ta prière
Et dans le jeûne, enfin, ce délectable miel
Qui remplit l'être entier d'ineffable lumière ?
En ces lieux j'ai compris quel tumulte béant
Menace d'engloutir l'univers et l'écrase
En sa poigne d'airain où gronde le néant.
Alors, quittant l'abri d'un sommeil engourdi,
Je me suis tenu là, devant l'iconostase,
Sous un voile d'encens au parfum assourdi.
Pèlerin du silence, est-il vrai que résonne
La rive de ce monde et que l'azur se perd
Dans l'éblouissement de la cloche qui sonne ?
Iras-tu pour toujours, feras-tu ta demeure
En ce septentrion, en cet immense hiver
Où le gel saisit l'air, où le blanc fige l'heure ?
Ici se cache un astre à nul autre pareil,
Devant qui le cosmos exulte d'allégresse
Et devant qui pâlit la splendeur du soleil.
Ici s'apaise l'ombre, ici s'éteint la peur,
Ici passe la brise où le soir est caresse,
Ici descend la joie aux abysses du cœur.
Par ce texte qui s'inspire du monastère russe de Valaam, sis sur l'île du même
nom elle-même située sur le lac Ladoga, à 200 km au nord de St-Petersbourg,
je souhaite faire écho à deux poèmes publiés sur ce site :
"Valaam" de Philippeb,
"Le monastère du froid" de Matriochka