Sur le trottoir graisseux d’une ville lumière
J’arpente le bitume et marche à petits pas
Sous ma jupe fendue on voit ma jarretière
Lanière de cuir noir qui agrippe mon bas
J’en ai vu défiler sous ma jupe légère
J’en ai vus tant et tant, je ne les compte pas
Dans les hôtels honteux de la ville lumière
Je mène au bord des lits, ma vie, comme un combat
Mais celui que je veux, jamais je ne le trouve
Afin de l’aguicher j’exhibe mes appas
Ma gorge est de satin, ma crinière est de louve
Perchée sur mes talons, je tangue à petits pas
Je m’éloigne parfois des lumières factices
Car je sais qu’il ne veut pour sortir que le noir
Je cherche un coin perdu, une porte complice
Et j’écoute longtemps à l’écho d’un espoir
Dans mes filets tendus viennent poissons en nombre
Existences paumées, gibiers que je rabats
Je voudrais tant un soir apercevoir dans l’ombre
Son étrange beauté sous le grand chapeau noir
Qu’il vienne mettre un terme à ma désespérance
Qu’il s’en vienne faucher mon corps vers l’au-delà
Mais le jour a conduit la nuit en transhumance
L’Ankou ne viendra pas !
L'ankou ne représente pas la mort en elle-même, mais son serviteur : son rôle est de collecter dans sa charrette grinçante (karr / karrik an Ankoù, char de l'Ankou ou karrigell, brouette) les âmes des défunts récents. Remplissant ainsi un rôle de « passeur d'âmes », Lorsqu'un vivant entend le bruit de la charrette (wig ha wag !), c'est qu'il (ou selon une autre version, quelqu'un de son entourage) ne va pas tarder à passer de vie à trépas. On dit aussi que celui qui aperçoit l'Ankoù meurt dans l'année.