Premières impressions d'athènes
par Sébastien Bidault
Voilà, je suis bien arrivé à l'hôtel Pella Inn. Il n'y a plus beaucoup de touristes en cette fin de saison. J'ai rencontré Suzanna dans un couloir. Elle avait pris le même vol que moi de Berlin. Je la revois ce matin à la superbe terrasse, avec une vue imprenable sur l'Acropole, le Parthénon. Le bruit de la ville remonte. Ici il faut que cela pulse.
Où est l'amour ? Moi qui refuse finalement tout. Les yeux embrassent le paradis Athénien.
Je n’ai pas d’argent pour visiter ou aller dans les bars, j’attends un virement, et je n’ai pas non plus envie de suivre les activités des touristes. Je vais rester là toute la semaine, lire et écrire sur la terrasse.
A part là, loin de moi, qu’y a-t-il?
Tout au loin, comme des lueurs.
Les odeurs, colorées, traversent l’espace. Entre les pierres antiques et un chant ou fredonnement maternel, je pose mon cœur sur la table. Je regarde danser les images, les flans de coteaux désertiques flanqués de lotissements blancs et grimpants entre les escarpements. Les différents arbres de l’ancienne Agora et de la colline de l’Aéropage partagent avec la roche la couleur de la terre. Je voudrais être une colonne antique et trôner sur la colline Athénienne, et rester là, imperturbable, les yeux mi-clos. Suzanna est partie pour son stage de massage dans le Péloponnèse. Je suis tombé dans ses yeux, le cœur un peu brisé. Et je tombe toujours dans les yeux du maître profond, de la maîtresse aux lèvres enchevêtrées. Les ombres pleuvent sur la carretera anglaise. Je suis dans une maison sans murs et sans foyers. Par la perspective droite, une grappe de raisin citadine ondule avec les pentes. Un Zeus est part là, un druide aussi, sûrement. La palmeraie bruit au milieu d’un désert lointain. Donne-moi le sud ! Donne-moi le nord ! Quelques crampons accrochent la terre séchée, en dessous, une fraicheur malaxe les mottes. Par ici la sortie, c’est l’entrée chez Hadès. Des occidentaux solitaires errent à travers les capitales, avec leur short et leur casquette. Leur esprit balance les poids de racines de verre et d’acide. Je me demande encore quelle est cette ville. Elle est traversée d’injonctions courtes, de coups de marteau, de sifflets, de klaxons. C’est comme une pulsation dans un bain de tempêtes si larges ! Je tourne la tête comme un phare. Trois gus de Manchester sont arrivés avec leur whisky et leur musique sur la terrasse. Ils m’ont réveillé la fraternité. Je leur ai dit mon texte du jour en anglais et ils sont repartis dans leur trip comme des mousquetaires.
Ils ont laissé comme un vide. La ville aussi semble en pause. C’est le temps du déjeuner, peut-être de la sieste. Le ciel s’est un peu embrumé et le vent berce mon ardeur évanescente. Un des trois anglais m’a donné le nord. Il est derrière moi, la mer aussi. Les cigales tremblent sous le temple d’Héphaïstos. Je vois leurs côtes s’hérisser puis se reposer sur le ventre. Un bâillement traverse mon torse jusqu’à la mâchoire qui se tord comme une gueule de requin, puis tout se referme dans un arrondi d’épaules. Le présent sans rien m’envahit. Il n’y a nulle part où je peux aller. Ici les pigeons sont assez petits. Ils se rapprochent de moi. J’ai approché ma main mais il est passé à la table d’à côté. Le vent se reposant, une moiteur grecque s’allonge sur les carreaux de la terrasse. Zeus est partout dans un tonnerre de frémissements traversant.
Poème posté le 24/10/20
par Paul Konstantin