Douce France
par Jamespx
par Jamespx
Douce France
Pays de mon enfance
Où est passé notre insouciance
Douce misère
Pays en colère
Où est passé Yvette Horner
Sans timbre ni enveloppe
Je pose mes fesses face à la porte
De l’ancienne poste
Celle des toilettes mixtes
Un service public qui a bien fini
Le restaurant est bondé
J’arrive souvent le dernier
Une odeur confuse
Rattrape mes sinus
L’homme sage
N’est pas un portemanteau
Ni un pet de lapin
Il n’a pas qu’un usage
Il est apte à tout et je rajouterai
Qu’il s’adapte à tout
Quand tu as l’estomac vide
Tu ne regardes plus la déco
Valérie Damidot ou ses lolos
Tant d’hommes méprisent les femmes
Comme celui en face de moi
Le chef du rayon boucherie
Qui parle tout seul la bouche pleine
Enfin ses lèvres bougent ses oreilles aussi
Avec ses gros osselets sales
Qui poussent sa bidoche
Contre les flageolets de la Mère Horner
Les femmes sont difficiles
Il me parle ce crétin des Alpes
Si vous vous liez d'amitié avec elles
Elles deviennent insatiables
Il pourrait me regarder quand il me parle
Et si vous les ignorez
Elles vous en gardent rancune
Ah c’est le peuple qui se fout de la charité
Mais ils parlent de son hôtesse de caisse
Oui il n’aime pas prendre l’avion
Trop lourd trop fort trop typé
Et l’homosexuel à ma gauche
Le chef du rayon cosmétique
Il en pense quoi de cet animal
Il reste confus sur son nuage
Il décolore mon bleu de Prusse
Avec son air méfiant
Oui je suis pour le mariage
Si je suis invité à la noce
Sinon je m’en fous comme les gens civilisés
Qui regardent le monde tel qui l'est
Et je pense à mes voyages opalescents
Au cœur de mes montagnes
Ces puretés mélange incessant
D’horizontalité et de verticalité
Tout s’évapore dans la musique
Une valse au contour imprécis
M’invite à déposer mon regard
Sur un des murs du restaurant
Un tableau sans cadre m’aspire
Dans le noir au milieu d’ombres agitées
Je pars rejoindre mon festin animé
Pour semer mes pensées dans la neige
Dans le blanc des yeux du macadam
Je récolte les morceaux les drames
Je suis l’aube rouge de mon territoire
J’aime mon égérie sarcastique
Je crie liberté je crie des saletés
Je crie l’amour je crie des obscénités
En brandissant ma langue
Hors de ma bouche
Interpole veut ma peau
Enfin la grosse langue de bœuf
Le milieu veut ma tête
Enfin le futur marié propose son cul
Le politique veut m’appâter
Enfin l’inspecteur des impôts
Ou l'agent de sécurité cynophile
Et mon voisin me veut à la morgue
Si je prends la dernière tarte Tatin
Ma violence mon amour
Elle peut me condamner
Ma violence ma haine
Elle peut me sauver
Ma violence mon arme
Elle peut me tuer
Tout le monde le dit
Celui qui règne par les armes
Périra par les armes
Mais que pèse mon égérie dans mon assiette
Des tours de passe-plats d’ici ou là
Orchestrés par les multinationales
Du crime de l’herbe de la farine
Par les politiques de ce pays
Béni par l’inactivité de leurs âmes
Pour un oui pour un non
Je cours déposer ma violence
Et mon fric chez un politique
Entre un petit vol un hold-up
Je veux être l’ordre de mon quartier
Sans me faire prier ni travailler
Yvette Horner a fini de jouer du haut-parleur
Je tombe des nues
Au milieu de grasses baigneuses
Du set de table de Cézanne
Ouvre-toi la formule est fausse
D'où la serveuse avec l’addition
Je reviens à moi dans ce bas monde
Vivre par procuration est une folie
Notre apparat éternel
D'angoisses de déviances humaines
Agrippé à la sente de nos vies
A eu raison de lui et d’eux
Enfants femmes et vieux
Ces milliers d’exilés sans papiers
Ces milliers sans domiciles fixes
Ou mobiles à travers quais et rues
À travers champs de ruines d’immondices
À l’angle de ce restaurant
Se trouve l’ascenseur céleste
Le carrefour où la musique
Est la nébuleuse de l'art
Le jardin d’Eden où le parfum
De jasmins de roses est une mélodie
La vie simplement où la poésie
Est la partition du bonheur
Arrive l'heure de nous élever
De ma chaise c’est un bon début
Pour jouir ensemble de la vie
C'est notre travail à accomplir
Le tout dans la joie la persévérance
Dans l’art et la manière de nos amours
Il gèle fort ce midi
Le restaurant est vide
Je pars le dernier comme d’habitude
Rejoindre les étoiles de ma vie
...
L'eau a coulé sous les ponts
Les yeux dans le ciel
Me voilà entre deux nuages
Où apparaît deux visages
Inspiré j'écris
Où sont les mouches
Sur une passerelle en fil d'or et de soie
Riche abstention je ne serai plus avec toi
Par le bris du miroir de la vitalité
J'ai vu tant de pauvreté pour ne rien cacher
Des jours immobiles qui deviennent des nuits
Des milliers d'ailes chastes déjà avachies
Des vies fantômes sans l'ombre d'une jouissance
Il y a la silhouette aux longues fréquences
Avec ses mensonges aux histoires vécues
Et le jeune énarque à la langue bien pendue
Je change de hauteur pour dépeindre la foule
Une basse-cours où s'affrontent coqs et poules
Cochon de l'espèce cheval de Troie d'ailleurs
La faucille du paysan veut l'argent du beurre
Et ses sots finiront borgnes ou culs-de-jatte
Dans l'écurie des purs-sangs à grand coup de latte
Au coin de l'assemblée un coiffeur chirurgien
Coud la sainte perruque de Marianne en vain
Sur le crâne élu le plus vieux sage en déplaise
Et ses bigoudis à la comédie française
Dit petit prince dessine-moi un mouton
In fine je voterai sans grande illusion
...
Je viens de me réveiller
Douce France
Je n'ai pas changé
Mes deux chiens viennent me lécher les joues
Rien n'a changé
C'est l'heure d'aller au boulot
Les pieds dans la boue
La tête sous l'eau
Poème posté le 02/05/17