Tout petit déjà il l’escaladait,
S’y écorchant vêtements et genoux
Tant de fois que bien peu lui importait :
Il y retournait joyeux malgré tout.
Plus tard il la contemplait dans l’azur,
Trônant ainsi qu’un grand sphinx incompris*
Au milieu de son écrin vert et pur
Où il restait longuement ébloui.
De sa ronde et plantureuse stature
Ressuscitée du minéral sommeil,
Il connaissait toutes les meurtrissures
Qu’avaient sculpté les eaux et le soleil,
Chacune des anfractuosités
Où s’étaient tapies d’immenses fougères
Qui filtraient une lumière éthérée
Parmi la mousse et les lianes de lierre.
Devenu homme il acquit le domaine
Où sa belle assoupie l’enveloppait
D’une sérénité si souveraine
Qu’il en omit une femme chercher.
C’est qu’assis à son flanc ou face à elle
Dans la tiédeur ou le froid qui frissonne,
Sous les arbres balançant leurs ombrelles,
A part sa muse il ne voulait personne.
La roche maniait sa plume muette
Sur la page intime de ses pensées,
Des poèmes lui naissaient dans la tête
Dès qu’autour d’elle le vent s’ébrouait.
Il passait pour un fou dans le village
Qui ne le revoyait que par défaut,
En de fugaces et rares passages
Qui nourrissaient d’extravagants ragots.
Quand pas à pas s’annonça la vieillesse,
Le recueil abondait de chauds refrains
Enflammés de l’inlassable tendresse
Réciproque, d’un roc pour un humain.
Le dernier détaillait sa sépulture,
Près du cœur de pierre qui rougeoie la nuit,
Un simple carré où il se murmure
Qu’est son cantique le bruit de la pluie.
* Clin d’œil à Baudelaire