La crue
par Cardaline
Les nuées jaillissaient des plaines du Levant
En s’amoncelant comme une menace,
Couvraient la vallée d’un linceul mouvant,
L’eau, la terre et l’air parfois s’entrelacent
Saturée la chape s’épancha en pluie
Vaste écran liquide effaçant la terre
Torrentiel le jour, diluvien la nuit ;
Les plus vigilants perdaient leurs repères
Le Rhône par degré conquit les talus,
Sur l’eau bouillonnante les bateaux montaient.
La pluie incessante amplifiait le flux.
Sur le fleuve en crue les marins luttaient.
L’averse giclait, cinglante et féroce
Le ciel se noya dans l’eau sans rivage
Ciel et eau s’unirent en de tristes noces
Sous l’oeil des matelots doublant les cordages.
Les câbles grinçaient en un bref refrain
Impétueux le fleuve brisait les pontons
Les amarres vibraient ; les flots noirs et bruns
Semblaient écarter les rives de béton.
Au dix-septième jour les riverains têtus
Mirent des sacs de terre contre le Géant
Qui roulait les arbres comme des fétus
Sans s’appesantir sur le sort des gens
L’Isère et son lot d’épaves immergées
Joignit ses efforts au Rhône en furie
Pour se liguer contre la batellerie
Le cheptel fuyait les prés submergés
L ‘intrépide musclé brisait les ouvrages
Qui l’avilissaient, recréait ses îles,
Quittait son corset, s‘étendait au large.
L’homme découragé devint inutile.
Sans plus de contrainte le flot triomphant
Par dessous les ponts renversa les piles,
Sauta les barrages, inonda les villes.
L’homme vain supplia ainsi qu’un enfant.
Venu du Noroît le vent versatile
Chassa les nuages, calma le déluge ;
Le fleuve pacifié à l’onde docile
Dans son ancien lit trouva un refuge,
L’homme amèrement releva les piles.
Poème posté le 30/01/21
par Cardaline