Bal en pleine mer
par Banniange
Au bal des naufragés et des serpents de mer,
La mort s’est invitée sur son radeau d’hiver,
Les hublots terrifiés se sont terrés d’abord,
Là haut, les sirènes mugissent vers l’aurore.
« Quand nous verrons les flammes vertes
Jaillir du château des Carpates,
Vous mettrez vos rouges gourmettes
Comme vos lèvres écarlates ».
Ainsi susurrait-il L’Arsène
De sa jolie voix de velours
A Diane aux beaux yeux de verveine
Qui languissait d’un tel amour.
L’écume voletait en flocons de coton,
Eventails et melons paradaient sur le pont:
« Henriette, avez-vous dit ? Retirez votre voile,
Une telle splendeur fait rougir les étoiles ! ».
Ah! ces oaristys qui ravissent les dames
Seront éparpillées par les terribles lames,
Lanternes, cotillons volaient en papillon
Mais les vents insidieux appelaient le typhon.
« Nous fêterons la chandeleur
Sur les hauts remparts d’Elseneur,
Des sommeliers en porcelaine
Verseront des vins de Bohème,
Quelques bateleurs de Lybie
Charmeront nos douces folies »
Ainsi susurrait-il L’Arsène
En lissant sa moustache en veine.
Las, le vaisseau s’est fracassé sur un brisant,
L’amiral avait pris un très mauvais tournant,
Sur les eaux titubent sa bible et ses gants blancs,
Un flacon de vieux rhum, des faux cils clignotants.
Trompettes et tubas toussent dans la tempête,
Les invités masqués ont égaré leur tête,
Au Baccara huppé, seuls les requins prospèrent,
Des poulpes maquillés pelotent les mégères.
L’Arsène n’aura rien volé
Dans la croisière des noyés,
Il a perdu son oeil de verre,
Son monocle et sa boutonnière,
Il cueillera des anémones,
Des algues bleues pour les gloutonnes,
Diane, la fauve chasseresse
Lutinera avec un Perse.
Au bal des engloutis, les perruques s’affolent,
La mort danse la guinche et fait la farandole,
Quand viendront les pilleurs alléger les bretelles,
Grisards et goélands enlaceront le ciel.
Poème posté le 15/03/21
par Banniange