L'ombre
Un corps de fumée noire parcourt les ruelles
Sordides de la ville endormie, un molosse
Voit passer le spectre et cherche dans l'écuelle
Quelques rogatons volés, la bête est véloce.
L'ombre est en quête de son futur gibier
Dans les rues, son passage inodore et furtif
Ne laisse pas de trace, en bon limier
Et trouve l'homme qu'elle va rendre captif.
C'est dans la chaleur moite d'un bouge crasseux
Que la proie est assise, à boire un pot de vin
Et éructe, à ses côtés, un garçon osseux
Partage la boisson et le pain au levain.
Le bonhomme est lourd et gras, son ventre énorme
Tel un tonneau déborde, pose sur la table
Par ses bourrelets graisseux, il n'a plus de forme
Il ressemble à un gros verrat, dans une étable.
Le fantôme est en retrait, observe la scène
Il entend le rustre parler, les quelques chicots
Dans sa bouche édentée, lâchent propos obscènes
Billevesées, ressemblent à des asticots.
En un éclair, l'ombre se décide et pénètre
Dans le corps du poivrot, s'appropriant l'esprit
Du pauvre soiffard, elle en devient le maître
Le rustre qui n'a pas compris la duperie.
L'entité vaporeuse a de vilains desseins
Sous son aspect humain, le monstre est le malin
Le mal incarné, il faut sonner le tocsin
Car le Diable ne fait jamais de câlins !