Rend-Coeur
par Evcy
J'ai longtemps dominé
En ascète impartial
L'Egypte et ses contrées
De mon sceptre royal
Les yeux remplis de scribes
De chaos et d'étoiles
Empêchaient que s'inhibent
Les floraisons cérébrales
J'étais prêtre, nourricier
J'étais juge et guerrier
Mais en vain, j'ai cherché
Un homme concret et vrai
Le désert m'a incendié
L'Egypte se vit avalée
Et l’homme que j’ai trouvé
Etait un coq déplumé
Je partis donc m'exiler
Au loin, sur un rocher
Mes yeux se sont fermés
Et je me vis sombrer
Quand alors Anubis
Dieu des morts et des chiens
M'appela des abysses
Retrouver les anciens
Le sable froid recouvrait
Les anciennes nécropoles
Les embaumeurs chantaient
Et purifiaient le sol
Mon cadavre fut lavé
D'eau sacrée enfantine
Et de résine fumée
De rare térébenthine
Une incision fut faite
Le long de mon flanc gauche
Et mes viscères parfaits
Rejoignirent la débauche
Huiles et myrrhe concassées
Remplirent mes cavités
Mon cœur fut détrôné
Par un vil scarabée
Mes chairs déshydratées
Mon corps remodelé
Me voilà embaumé
Paisible éternité
Un cri foudroyât le ciel
Brisant mon sarcophage
Et le Nil torrentiel
M'apporta le veuvage
Je suis le pharaon ressuscité
Sans poumons, sans foie
Je suis le pharaon ressuscité
Sans intestins ni estomac
Mais suis-je encore un homme
Alors que mon propre cœur
A déserté la couronne
Du volcan intérieur ?
Ô quel terrible caveau
Qu'un corps inhabité
Et même mon triste cerveau
N'apporte plus de gaité
Je ne puis plus aimer
Ni rire, sentir ou jouir
Ma femme, ma vérité
Je me dois de fuir
Ils ont saccagé
Mes vases canopes
Mon tombeau oublié
Est tombé en syncope
Et j'ai eu beau chercher
Ni dans ma pyramide
Ni dans le monde entier
Où donc mon cœur réside
Mais suis-je encore un homme
Alors que mon propre cœur
A déserté la couronne
Du volcan intérieur ?
Les chiens et les loups errent
Aux abords des cimetières
Et loin des fausses prières
Mangent ce qu'ils déterrent
"Ô Khenty Seh Nedjer
Roi du royaume liminal
Sais-tu où mon cœur erre?
Ta réponse m'est vitale"
"Moi, Khenty Ta Djeser
Je t'en ai dépourvu
Vis avec cet ulcère
Toi, vivant, qui aurait pu
Tu n'étais que rancœur
Sans être amour ou joie
Alors que le bonheur
S'offrait facile à toi
Ta femme te demanda
Douceur, tendresse, et rire
Tu ne patientas pas
Et agit comme un satyre"
"Mais suis-je encore un homme
Alors que mon propre cœur
A déserté la couronne
Du volcan intérieur ?
Je t'en prie, rend donc moi
Ce dont je suis dépouillé
Je ne vis plus, je suis las
Ô toi, Dieu canidé"
"Tant que la terre sera ronde
Tu expieras par la douleur
Que s'abatte sur le monde
Ton insatiable rend-cœur"
Poème posté le 19/08/18
par Evcy