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Poésie libre / Le tourbillon de la vie
              
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Le tourbillon de la vie
par Johnyvel


L’écriture nécessite la solitude, la vraie. Il ne suffit pas d’être dans une autre pièce, il faut être dans un autre monde. Elle nécessite la liberté totale. Pour écrire, il faut s’assoir et laisser passer le tourbillon de la vie, se détacher des urgences, ignorer la culpabilité des sentiments, abandonner le poids des gens. La solitude est égoïste mais nécessaire. Ne pas répondre à un message urgent. Ne pas rassurer sa copine qui pleure. Ne pas rappeler sa mère qui attend. Ne pas finir son travail. Détruire la rentabilité. Pour écrire, il faut savoir reconnaître cette émotion - le calme de l’âme en perdition -, la saisir, la protéger, la prolonger tant que possible et entrer dans ses couloirs de noirceur et de froideur. Ce plongeon de l’âme est la seule chance de singularité, la seule chance de génie dans un monde qui ressemble à une piscine municipale. Pour écrire, il faut maîtriser l’âme comme l’apnéiste maîtrise l’air. On s’abandonne sans s’oublier, on va là où il n’y a pas de son, pas de lumière, rien, pour mieux se voir et pour mieux s’entendre. Dans l’écriture on est si seul qu’on hurle sans être entendu. Alors, dans les profondeurs de l’âme, on trouve des idées et des formes de vie nouvelles, des vieux souvenirs à moitié dévorés par le temps, l’ivresse de l’hypoxie. Cet état précieux est fragile. Un message, une interaction, un relâchement de l’âme sont des cordes de rappel suffisantes pour être ramené à la surface et se retrouver face à sa propre stupidité. Face à son fil d’actualité. Face à ses responsabilités. Il faut donc être seul pour écrire, dans un endroit où l’on ne risque pas d’être rappelé, un endroit où on pourrait pleurer, fumer, boire, courir, faire le poirier, se faire mal s’il le faut sans que jamais personne n’intervienne au risque de tout briser. Il faudrait un endroit éloigné de la chaleur réconfortante des gens qui nous aiment. Car le réconfort, comme la distraction, empêche la solitude. Il y a tous ces gens qui font partie de moi, qui me connaissent car ils ont vu mes travers, mes perversions, ma naïveté terrassée par la vie, ma mélancolie remplacée par les responsabilités, mon cœur remplacé par l’ambition, l’égo et le besoin de plaire. Tous ces gens qui ont fait mon quotidien mais ne feront pas mon futur, que je chéris pour être les témoins de mon existence mais que je déteste pour porter en eux le souvenir indélébile de mes travers et faire exister ma culpabilité. Autour de moi, on ne les connaît pas. Ils sont probablement dans la même ville, parfois à quelques rues, mais on ne soupçonne pas qu’ils portent en eux mes secrets. Ils sont un de mes centaines d’amis Facebook. Un de mes numéros de téléphone. Ils sont des milliers de messages envoyés. Des milliers d’heures passées à s’entrouvrir mutuellement les entrailles, à s’aimer, à se détruire, à se découvrir, avant de se quitter pour une autre vie. Désormais tout est enfoui. Ce que je vis glisse sur ma peau, dans les sillons de mes cicatrices. Désormais, les choses ont une importance. Je connais les risques. Je construis une carrière. Je calcule. Je pense au futur, à construire une famille. Il n’y a plus de solitude. Elle a été remplacée par un trop plein de vie active. Dans la chambre d’à côté, ma copine se demande ce que je fais. Elle m’en veut sûrement de ne pas être à ses côtés. Pourquoi je ne la prends pas dans mes bras ? Pourquoi ? J’ai saisi une émotion. Un bout de solitude auquel je me suis accroché et ça m’a fait du bien. Et pourtant je l’aime. J’ai envie de tout abandonner. J’ai envie de faire des erreurs. De plonger dans les abîmes. De briser les règles, le couvre-feu, les limitations de vitesse, les obligations. Demain déjà, je me réveillerai en urgence, j’irai au garage pour mon pneu crevé, j’irai au travail pour faire de mon mieux, j’essaierai de rassurer ma copine, je m’excuserai mal, je me justifierai trop, je préparerai l’arrivée de la nouvelle stagiaire, je répondrai au téléphone, j’enverrai des messages, j’irai sur Facebook. Fatigué, l’émotion dissipée, je regretterai d’avoir tant veillé et je me demanderai probablement « à quoi bon ? A quoi bon résister au tourbillon de la vie ? »

pas un poème

Poème posté le 15/10/21 par Johnyvel


 Poète
Johnyvel



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