La belle ombre
par Yablokovnaia
Le doux bruissement de l'eau d'un bassin rustique
Confère au crépuscule une atmosphère unique.
Un monstre est caché là, profitant des ténèbres
Pour se dissimuler dans les ombres funèbres.
Il a au ceinturon le pommeau d'une épée
Qui dépasse d'un pan de sa cape jetée
Sur ses larges épaules. Un éclat nouveau brille
Dans ses yeux, et son pouls trop affolé imprime
Au monde entier sa tendre et troublée pulsation
Qui sans bruit se répand dans la végétation
En vrillant ses tympans. Le jardin est bien sombre,
Et lui secrètement s'est effacé dans l'ombre.
À deux mètres de lui un apollon se tient;
Un rayon opalescent de lune le nimbe,
Son éclat fait resplendir son pourpoint brodé
Et, porté au coeur, son chapeau empanaché.
Il déclame bien fort toute sa dévotion
Avec des mots qui montent, et avec émotion
Jusqu'à des blanches mains, charmantes et ténues,
Jusqu'à l'ouïe attentive et jusqu'au coeur ému
D'une beauté divine appuyée au balcon,
Baignée dans la lumière qui joue à son front
Avec ses boucles d'or et sa peau satinée
Et fait un clair-obscur dans sa robe d'été.
Une brise soulève un pli de mousseline
Pour terminer dans les feuilles de la glycine
Qui orne le balcon. La fille est rayonnante
Comme éclatante est l'aube, la lueur aveuglante
D'un immense soleil après de longues nuits.
Son regard est aimant et ses joues sont rosies,
Elle est bouleversée, elle écoute, soupirant,
Les belles envolées et les beaux sentiments
Des mots que déclame un jeune homme aussi doté,
Mots qu'un monstre amoureux lui a fait répéter.
Inspiré par Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand
Poème posté le 07/12/21
par Yablokovnaia