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Justice à huis clos
par Ann


par Ann


Échappé de la voracité d’une coche, Mon paternel j’ose dire, était un tel gland Qu’il en perdit son béret au bout de l’hiver. De ce rouvre, on en trancha une grosse bille. A ses cernes éventrés, en furent extraites Deux épaisses planches en tenons assemblées. On m’exposa fibres à nu sur deux tréteaux, Rendant copeaux au billot qui me prêta vie. Mes courbes soumises au tranchant de la doloire, En pentures corsetée, aux gonds d’un dormant, Par contrat fut livrée contre trois sous d’or pur A un hobereau souventement en veuvage. D’aucuns le plaignaient, les autres pleuraient leurs filles. Les bruits les plus extravagants couraient au bourg. La Barbe Bleue car il s’agissait bien de lui S’en alla pour la cent et trente-et-unième fois Chercher une compagne au village voisin. – Grand’Dieu ! Nous n’avons plus de filles à marier ! Votre appétit va meilleur train que notre fougue A griser de nos amours nos grabats nuptiaux. Pis, nos femmes font autant d’gars que de donzelles. A c’te heur’, y’en a qui disent que vous les mangez ! – Mon brave, je les croque des yeux seulement Et si je salive, c’est à leurs bons plaisirs. A ses deuils s’ajoutaient une vile rumeur. Lors le seigneur s’en retournait vers son château, Quand une bergère lui vint conter fleurette. – Ma jolie, sais-tu broder ou filer la laine ? Aimes-tu à lire poèmes ou romans ? Belle plante, tu cherches la compagnie du jour ! – Messire rien de tout cela ! Au badinage, Seule la pénombre convient à ma pudeur. – Mes biens ne me servent de rien car je suis veuf. Ferais-tu mon bonheur en devenant ma femme ? Sur-le-Champ, on s’alla convoquer le curé. Mais Péronnelle était une sotte intrigante. En icelle, son époux avait confiance telle Qu’avec les clefs, il lui confia ces conseils sages : – De mon vaste domaine, vous êtes la dame ! Faite diligence de mes biens, de nos gens. Grâce à ce trousseau, tous les fermoirs sauteront Du châtelet défensif à la moindre boîte. J’ai toutefois une réserve. Voyez ce passe Que je ne puis aucunement vous dérober ! N’en faites point usage ! Je vous conjure ! Cela vous comblerait de malheur, ma chère âme ! – Mon bon époux, répondit la jeune épousée, J’attendrai sagement votre retour ici. La Barbe bleue n’avait pas monté son roussin Que la donzelle s’en fut tourner les serrures Persuadée d’y trouver le trésor du château. – Pipeau, ce vieux chose qu’est mon mari, fit-elle. Lors se plantant faraude devant mon panneau, La cent et trente-et-unième dame de ces lieux Plongea la clef interdite en ma bouche muette. Je m’ouvris au vide et par un méchant courant d’air Je claqua le cul de la femme se vautrant Dans les orties loin en contrebas du donjon. Je ne suis pas jalousie mais mon cœur de bois S’insupporte de devoir partager mon maître. Seigneur Barbe Bleue était un fort brave époux Et des cent et trente-et-unièmes châtelaines Si Péronnelle cherchait l’éclat d’un trésor, Toutes les autres s’approchaient de la lumière Telle Pénélope ou Christine de Pisan, Pour tirer l’aiguille ou bien composer des vers, Bêtes noires d’une porte mal embouchée. Voilà l’authentique histoire de Barbe Bleue.


Composer: Benjamin TISSOT (also known as Bensound)


Poème posté le 07/11/18 par Ann



 Poète ,
 Interprète
Ann



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