Le sabbat des sorcières par
Francisco DE GOYA Illustration proposée par Banniange
par Oxalys
De ses longs doigts de suie, la nuit bistre le ciel,
Lune sombre! Sinistre sœur des mers aveugles,
Epaisseur nocturne où des vents crissent les ongles,
Obscure écume où rampe une ombre démentielle.
Nuit d'épouvante aux artères noires, putrides,
Aux mille yeux morts surnageant dans des eaux fétides,
Aux pieuvres ridées qui jettent leurs tentacules,
Vénéneuse nuit où de lourds poisons circulent.
On entend les bois grincer, les feuilles trembler,
Une affreuse pulsation comme un cœur malade
Monte d'un horizon où des ailes s'évadent,
Les serres de la peur broient la peau des forêts.
Soudain le vacarme! Un tourbillon de ténèbres
S'abat sur la clairière muette d'effroi,
Des formes indistinctes sortent d'un charroi
Nulle vie ne tarde, c'est bien l'heure funèbre !
Fantômes aux mains coupées et aux regards de fiel,
Sorcières consumées qui crachent des crapauds,
Goules redoutables broyées dans des étaux,
Boucs aux yeux de braise dépecés sur l'autel,
Démons hérétiques qui adoraient les anges,
Bossus des synagogues, bourreaux du sauveur,
Lilith insatiables qui charmaient les archanges,
Veules créatures que damne le Seigneur,
Bacchanales glauques vouées aux anathèmes,
Où l'orphéon infernal glapit des blasphèmes,
Sachez pourtant ceci: Votre temps est compté !
Quand l'aurore viendra vous serez châtié.
Car la sainte église, fille de la Lumière,
Dans sa quête éternelle a toujours affronté,
Les immondes enfers où règne Lucifer,
Pour le traquer le soir dans les sombres forêts .
Car la très sainte église est fille des apôtres
Qui connurent le Fils quand il était des nôtres,
L'un le renia et un autre le vendit,
Tous le laissèrent seul dans sa longue agonie.
Ainsi, Jésus, accablé à Gethsémani,
Parmi ces oliviers tordus en crucifiés,
A vécu l'horreur de la nuit de Walpurgis,
En attendant, prostré, son calvaire annoncé.
Combien de martyrs, d'innocences suppliciées ,
Hantent les arcades des hautes cathédrales,
Et croisent , effrayés , les gargouilles spectrales,
Filles de la très sainte église immaculée.
Dans l'ancienne Germanie, on croyait qu'à cette date les divinités païennes du printemps (dieux et déesses de la fécondité) se répandaient dans la nature pour mettre fin à l'hiver. L'Église tenta de discréditer cette fête en transformant les divinités en « diables » et (surtout) en sorcières. Ce qui donna lieu à quelques chasses réjouissantes,mais ces diables ne s’étaient-ils pas introduits au sein de l’église, depuis bien longtemps, depuis le calvaire d’un certain Jésus Christ ?
Poème posté le 01/05/19
par Banniange
Informations mp3 : Musique : Kraftwerk - Mitternacht