On était au huit mai:
On savait désormais
Que finirait le bagne
Des soldats en Allemagne.
L’enfant ne prierait plus
A genoux, chaque soir
La mère de Jésus
Pour son papa revoir.
Parti début quarante
Papa fait prisonnier:
Une image qui hante
Son enfant premier né.
Qui allait-il trouver
Après ces cinq années
Rêvant vaille que vaille
Au jour des retrouvailles?
Or il verrait bientôt
Le visage de père,
Celui de la photo -
Ou du moins il espère.
Un soir on dit qu’un train
Devrait entrer en gare:
Mais ce n’est pas certain.
Pourtant on se prépare.
Hélas, la nuit venue,
Pas de papa au train:
Quelle déconvenue !
On reviendra demain.
Mais demain il est là :
Mon père prisonnier,
Las et les traits tirés:
Il me prend dans ses bras,
Me prend sur ses genoux .
Quand on va célébrer
En prenant un café
Son vrai retour chez nous.
Les yeux écarquillés,
L’enfant reste hébété
Devant ce beau visage
Qu’il n’a vu qu’en image.
C’est donc lui mon papa,
Le papa espéré
Depuis ces cinq années,
Mon papa enfin là !
Et dans la France entière
Ce jour-là on espère
Que plus jamais la guerre
N’enlèvera nos pères.
Je n'ai connu mon père (sauf par les photos) qu'à la libération (prisonnier de 1940 à 1945).