La fille aux yeux tristes
par Sucre et sel
Longtemps me souviendrai de la fille aux yeux tristes
Qui servait le café dans un bar de Lorient ;
En son regard d'écume, des presqu'îles lointaines
Surgissaient de l'oubli, et l'on ne savait pas
Qui de l'ombre ou de l'eau s'en faisait le miroir.
Peut-être eût-il fallu, cette fille aux yeux tristes,
L'emmener par la main, loin, très loin de Lorient ;
En son regard de nuit chercher une fontaine,
S'abreuver à sa source, s'attacher à ses pas
Lorsqu'elle se perdait dans son horizon noir.
Quel était le mystère de la fille aux yeux tristes,
Fatiguée bien avant d'avoir vécu vraiment ?
En son regard absent quels chagrins, quelles haines
S'étaient livré bataille, on ne le savait pas,
Mais on devinait bien le creux du désespoir.
Quand on l'a retrouvée, cette fille aux yeux tristes,
Flottant sur l'eau du port, le reflet des gréements,
En son regard trop blanc la voile de misaine
Avait tendu sa toile, et l'on ne saura pas
Pour quelle île secrète elle fuit, sans au revoir…
Encore il me souvient de la fille aux yeux tristes
Quand fume le café dans les bars de Lorient
Et son regard de brume, comme appel de sirène,
M'enveloppe le cœur du regret, ce soir-là,
De n'avoir pas osé l'inviter à s'asseoir.
Poème posté le 31/01/10