Depuis que je suis né, je vois, choisis et trie.
J'étais prêt d'affronter des barons d'industrie,
Persuadé que ces gens-là étaient malins,
Des capitaines ! et je ne vois que des moulins,
Moulins à vent, moulins pour moudre boniment !
Il semble qu'aujourd'hui, ce soit sur tel ciment
Que temple soit bâti, sur le parvis duquel
- du libre troc ne souffrirons plus de séquelle -
Le marché s'esbaudit sans plus clouer de mains.
Je traque des géants, trébuche sur des nains.
On fait dans le global, partout est même lieu !
Au royaume des riens, le zéro est un dieu.
La star est accessible, il suffit de payer
Car la sueur des uns en fait d'autres rentier.
Seuls ceux bénéficiant d'un progrès cérébral
Jouiront du bonheur de l'éden libéral.
Je rêvais d'un amour brûlant comme une étoile;
Il n'est plus vérité devinée sous un voile.
Éros est devenu un gérant de sex-shop,
Et le désir n'est plus que sécrétion de dope.
Il nous faut projeter, il nous faut entreprendre !
La courtisane règne où la chair est à vendre ;
Elle acquit, tout enfant, un vaste savoir-faire.
Le bouge, son étal à viande hormonifère,
En plein ciel reste ouvert sur la scène du monde ;
Pour dominer un roi, elle a de la faconde...
Il a son épagneul, elle a son chihuahua !
Devant autant d'éclat, l’œil badaud s'embua...
La Vénus éternelle a la peau rafraîchie,
Elle a toujours vingt ans, fait la moue, des chichis,
Son chant d'amour n'est plus que fade chansonnette,
De palace en palais, elle joue au poète !
J'ai regret quelquefois de n'avoir pas de rhume.
Le suint des canaux de Venise parfume
Son baiser, ce baiser goulu de gobe bourse.
Dans quel bois du miel d'or se régale dame ourse ?
Existe-t-il encore une vierge forêt
En laquelle on mettrait quelque chienne à l'arrêt ?
Serait vêtu son roi, son amant, son démon,
Des atours du chasseur, distrait, triste Actéon.
Du collier affranchie serait la meute alors
Qui comme un loup courrait, étant son propre Lord.
La doulce fera-t-elle encore son ciné
Quand tout Zeus en solex sera cuit, calciné ?