Bercée par le jeu coutumier des saisons, une foule sans visage se déployait à la croisée des ducs, lorsqu’un cri d’orgue effondré perça le ciel où tournoyaient mille rouages engourdis. Une fine pluie de cendres assombrit la pierre gangrenée par le sel, qu’une vigne naissante enserrait à pas lents ; seul un frisson gagna l’ambre pur des vitraux.
Un bestiaire fabuleux s’épanouit aux façades : L’oiseau, vivant augure, palpitait sous la niche oubliée d’un apôtre sans tête, pour disputer aux flammes leurs reflets écarlates. Au faîte, culminant de maigreur, un molosse impérial défiait l’air ardent comme la proue d’un vaisseau taillée au creux d’un rêve, tandis qu’au loin la mer débordait l’horizon.
La lumière s’étiola, délaissant le parvis où survivait encore la voix des exilés : asile incandescent au chevet de la nuit ! Le silence abdiqua sous le fracas des ombres où dansait la mémoire… Mais au dépouillement du jour, un dernier chant d’airain brisa le linteau des vies cloisonnées par l’orgueil, et les peurs solitaires pâlirent en feu de joie.
Hommage à la cathédrale de Nantes, incendiée le 18 juillet 2020. Son grand orgue vieux de 400 ans, classé "monument historique" a été entièrement détruit.