Dans la douceur du soir où baisse la lumière,
Le professeur d'anglais songe à l'heure dernière
Et ce triste souci s'affiche sur son front
Tout ridé et pensif, torturé des démons
Qui embrasent soudain son imagination!
Quelques larmes émues choient dans la passiflore :
« Ah, que me manqueront les splendides aurores,
Et les soleils couchants, et les arbres en fleurs
Les douceurs du printemps si chères à mon coeur!
Pourquoi faut-il mourir et quitter cette terre
Aller vers l'inconnu, aux ombres délétères
Ne plus jamais courir vers quelque bel amour
Qui, de folle passion irradie tous vos jours!
Les plaisirs de la chair sont à jamais perdus,
Quand, à deux pieds sous terre on se voit retenu.
Et plus jamais le soir, de douce passiflore
Sur ma belle terrasse au si charmant décor.
Qui chauffera mes pieds, la nuit, en cet endroit
Si noir du cimetière où le coeur bat d'effroi?
Plus ma femme adorée ne viendra dans mon lit
Pour, s'offrant au désir, m'ôter tous mes soucis,
Je ne sentirai plus ,au profond du tombeau
La chaleur de son sein collé contre mon dos!
Ah, je n'ai pas vécu, s'écria le pauvre homme
Je voudrais être heureux , comme le roi de ROME
Connaître de la vie ce qu'il y a de plus beau,
Savourer chaque jour comme un dernier cadeau ! »
(Alors d'un geste vif, il jeta sa tisane)
Oui, dit-il, jusqu'ici, je n'ai été qu'un âne!
Holà, mon cher amour, apporte du champagne,
Buvons à notre vie, partons à la montagne:
Je veux herboriser, parcourir les sentiers
Découvrir des sous-bois ,les fragances cachées,
Célébrer avec toi les beautés féeriques
Des lieux où fleuriront nos amours bucoliques.
Aussitôt fait que dit: le prof démissionna.
Il vendit sa maison, partit au Canada
Où, près du Saint-Laurent, fleuve majestueux
Il coule de beaux jours en se disant heureux!
Les oies de Montmagny m'ont raconté ceci
Quand, observant les cieux, j'ai entendu leurs cris.
Le professeur va bien, m'ont elles dit, contentes:
Il trouve que la -bas, l'existence est charmante.
Les hivers sont très froids, mais quand le renouveau
Fait couler comme sang la sève des bouleaux,
C'est l'ardeur du printemps qui envahit ses veines
En ces belles contrées où la nature est reine!
D'un geste de la main, j'ai remercié les oies :
D’autant qu’elles étaient à portée de ma voix :
"Au revoir, mes amies, portez au professeur
Toutes mes amitiés et mes souhaits de bonheur!"
Marcek
Dédié à Guy Rancourt mon ami du Québec, professeur à Rimousky et qui coule maintenant des jours heureux à la retraite!