HISTOIRE DE SILURE
C’était un soir de juin, à l’aire où se reposent
Les vacanciers cherchant le calme en bord de Loir,
Jouissant d’un lieu béni, où chacun d’eux dispose
D’aménagements prévus, selon leur bon vouloir.
Nous finissions de prendre un goûter très succinct
Tandis que des pêcheurs qui, oubliant leurs lignes
Tendues au bord d’un pré quelques mètres plus loin,
Faisaient grande ripaille, sans trop se montrer dignes.
Leurs agapes finies, les voilà qui reviennent
Pour avant de partir leurs gaules retirer ;
Or, je les vois tenter, mais sans qu’ils y parviennent,
De ressortir du fond quelque monstre appâté.
On nous demande alors si on peut les aider
Et avec notre barque aller chercher la ligne
Qu’avait sans coup férir le poisson embarquée,
Cherchant dans les bas-fonds une échappée maligne.
Nous voilà donc partis traverser la rivière
L’un ramant doucement, l’autre tenant le fil
Pour voir où l’animal avait fait son repère,
Et tenter de déjouer sa manœuvre subtile.
Le pêcheur avec nous s’était dans le bateau
Muni d’un gros grappin pour crocheter la bête
Et après maints efforts, il réussit bientôt
A remonter du fond l’objectif de sa quête.
Agrippant le poisson à deux mains par la tête
Il le flanque soudain, sans aucun ménag’ment,
Dans notre barque qui à chavirer s’apprête,
Provoquant chez Mimi des cris, des hurlements.
Car ce monstre, c’était un énorme silure,
Venus dans nos cours d’eau, après les océans,
Qui pour le fin pêcheur avait cert’s de l’allure,
Mais qui pour nous avait plutôt l’air effrayant.
Avec ses barbillons, son immense mâchoire,
On dirait quelque monstre arrivé du Loch Ness,
Terreur des fonds marins, si vous voulez m’en croire,
Qui ferait l’Ecossais s’écrier : "My goodness !" .
On se demande un peu que vient faire en nos eaux
La bête destinée aux profondeurs marines,
Alors que se font rares nos poissons régionaux,
Car c’est bien là ce qui nous autres nous chagrine.
Les poissons abondants, jadis dans les frayères,
Ont déserté nos eaux, menacés d’extinction.
La pollution s’est jointe à ces dents carnassières :
Où sont donc en allés ablettes et gardons ?
Illustration : photo de ce coin de pêche favori au bord du Loir