Dormez, vivants, au fond des rêves de vos nuits,
Dormez entre vos draps bercés d'azur immense,
Car nous avons franchi le prisme du silence,
Ces sombres corridors des tombeaux et des puits.
Nous montons du néant, de cet envers du temps
Dont les doigts ont gommé jusqu'à notre mémoire,
Et voici qu'au hasard des pages d'un grimoire
Notre chair a frémi comme sables mouvants.
Nous repoussons le marbre où nous étions captifs
Et dans un souffle éteint nous traversons la pierre.
La lune qui passait parmi le cimetière
Voile son pâle éclat de longs brouillards plaintifs.
Vivants, gardez-vous bien de venir en ces lieux,
Car alors votre sang se changerait en glace !
Il n'est point de raison qui céans ne trépasse,
Et celui qui a vu veut se crever les yeux.
Nous marchons, mais sans but : qu'importe où nous allons !
Nous dansons, et nos pas ont le flou de l'absence,
Sur eux l'écho du vide, immobile béance,
Se fige … On sent planer l'aile des ultrasons.
Nous flottons, nous glissons, tels de défunts linceuls,
Nous n'avons plus ni voix, ni pensée, ni visage.
L'abîme où nous gisons engloutit le rivage
Des terrestres bonheurs dont les noms restent seuls.
Vivants qui nous jugez, de même vous serez
Ensevelis, bientôt, dans la mort ténébreuse.
Il ne vous restera que cette aube laiteuse,
Epais manteau d'oubli que vous revêtirez.
Déjà sur l'horizon de livides clartés
Nous pressent de rentrer au ventre de la terre,
Nous qui en connaissons l'arcane et le mystère …
- Vivants, réveillez-vous, car vos jours sont comptés.
Ce poème s'inspire de deux chansons :
- "Thriller" de Mickael Jeckson
- "Champagne" de Jacques Higelin
A l'approche de Halloween, la conjuration de notre peur de la mort
semble de mise, et plus encore en ces temps d'épidémie et de chaos.