Saloperie de guerre !
par Gonzague
Mon amour, mon aimée
Mon amour, mon aimée, je t’écris cette lettre
Le temps est gris, il pleut depuis tôt ce matin
Et un froid glacial engourdi tout mon être
Sans pouvoir te voir, mon moral est atteint.
Je reste à mon poste à surveiller l’ennemi
D’en face, mais il peut surgir à tout moment
Prêt à tuer un gars qui n’est pas mon ami
Car je le sais, la guerre n’est pas un roman.
Mon amour, mon aimée, si je meurs aujourd’hui
Tu mettras dans ma tombe, mes fleurs préférées
Un joli bouquet rouge, ainsi que quelques fruits
Des livres de qualité, ceux que je dévorais.
Je ne la crains pas, je n’ai pas peur de la mort
Elle peut venir un soir au détour d’un chemin
M’annoncer la fin, ainsi prévenu du sort
Réservé, mon sang n’a pas l’odeur de jasmin.
Mon amour, mon aimée, pour la folie des hommes
Tu seras surement veuve, je ne serais plus
Tu regarderas les photos de notre album
En pensant à nous, à ce bonheur révolu.
Si mon corps ne doit pas pourrir au fond d’un trou
Et que je revienne atrocement blessé
La gueule cassée, aurais-tu un vrai dégoût
A me voir ainsi, tu ne pourras l’encaisser.
Voyage en enfer
Chaque nuit, de nouveau l’éternel cauchemar
J’ai mal ! Si je pouvais, ne plus me souvenir
Je pourrais m’endormir et larguer les amarres
Evacuer de l’esprit, ces maux à bannir !
Je revis, je revois, je ressens et je meurs
D’incessants tourments qui rongent les fondements
De mes pensées, des humeurs, rumeurs et clameurs
Carnaval de douleur, à crier d’hurlements !
Au matin, sur la peau, des sueurs de métal
Dans la bouche, le goût amer, du temps passé
A combattre dans les tranchées, un jeu brutal
La mort autour de moi, la peur de trépasser !
Le feu des enfers, le fer brûlant de l’obus
Eclatant, déchirant les chairs, mettant à nu
Nos ancestrales torpeurs, toujours à l’affût
Epiant l’ennemi, attendant sa venue.
Comment survivre, avoir vécu tant d’horreurs
Rester indemne, je ne peux plus supporter
Les réminiscences des combats, les frayeurs
Des soldats à l’assaut, les corps déchiquetés !
Je porte les cendres de la guerre, relique
D’un voyage vers l’abîme, vers le néant
Où l’homme n’est plus humain, arme métallique
Au service de la folie de mécréants !
La peur
L’aube se lève sur le champ de bataille
J’ai une forte douleur venant de l’estomac
L’envie de vomir mes tripes, de vider ma peur
Car ce soir, je ne verrais pas le soleil se coucher.
Dans deux heures, sur le coup de sifflet de l’officier
Je vais sortir de la tranchée, baïonnette au canon
Galvanisé par la haine, il faut casser du boche
Ces salauds qui ont envahi mon pauvre pays.
Encore un peu de temps, regard sur des photos jaunies
Et sur des lettres froissées, un moment de nostalgie
De ces doux souvenirs du passé, de ces moments heureux
Mon esprit s’embrume, je dois réagir, ce n’est pas le lieu.
Mon capitaine regarde fébrilement sa montre
Compte les minutes et soudain il arme son révolver
Le son perce le silence de la nuit, c’est le départ
Vers l’abîme, la montée vers l’enfer, de fer et de feu.
Je sors de mon trou, comme les autres soldats
Les mitrailleuses crachent leur fiel de projectiles
Un camarade tombe, une balle en pleine tête
Sa cervelle se répand sur mon uniforme.
Les canons se mettent à tonner, les obus à tomber
Autour de nous, un éclat arrache le visage d’un copain
Il hurle de douleur, le sang pisse à longs flots
Je dois continuer, je ne peux m’arrêter.
Nous arrivons au niveau d’un rideau de barbelés
L’ennemi continue à tirer, à faucher les jeunes gens
L’un d’eux est accroché aux fils de métal
Il a les entrailles qui lui sortent du ventre.
Vingt minutes de fin du monde, de durs, d’âpres combats
La moitié de la troupe est décimée, morte ou blessée
Et voilà enfin l’ennemi, je le vois comme il me voit
Nous sautons dans la tranchée, pour le tuer.
Face à face, homme à homme, corps à corps
Nous nous battons à coups de poignard ou de pelle
J’enfonce ma lame dans le cœur d’un allemand
Je sens sa vie partir, il est crevé l’ordure !
La peur (2),
Je m’appelle Hans et je suis allemand
Mon père a péri dans les tranchées de Verdun
Tué au cœur d’un coup de couteau par un Poilu
Je ne l’ai pas connu, je n’avais que cinq ans.
Enrôlé dans la Wehrmacht, nous avons envahi
En un mois la Pologne, la guerre commence
Déclenchée par la folie d’un homme dénommé
Hitler, six années d’horreurs absolues.
Je n’ai rien demandé, seulement subi
Je l’avoue, endoctriné par un fanatique
Le peuple a suivi le Führer vers l’enfer
Atteint par les maux les plus infects.
Pourquoi ? Ai-je participé à l’abominable
Au pire, à la négation totale d’êtres humains
A leur méthodique anéantissement programmé
On se disait supérieur à eux, mais en quoi ?
Aujourd'hui !
Nous sommes petits enfants de boches et poilus
Nous ne voulons plus de guerre, mais que la paix
Nous pensons à tous ces morts, pour notre salut
Plus jamais çà ! Ils méritent notre respect !
Poème posté le 02/11/20
par Gonzague