Accueil
Thème du mois / Tous les thèmes / FROID / La petite fille aux allumettes

              
Thème du mois / Tous les thèmes / FROID / La petite fille aux allumettes

         
Thème du mois / Tous les thèmes / FROID / La petite fille aux allumettes


Signaler un contenu inaproprié.

La petite fille aux allumettes
par Yablokovnaia


C’était décembre. La nuit tombait. On allumait Les réverbères. Dans les rues les talons crissaient Sur la poudreuse. S’affichaient les boas, défilaient les fourrures, Et tout ça s’animait devant les devantures, On piétinait et puis on allait à bon train, Quelques marmots bavaient devant les magasins Où des jouets fabuleux scintillaient en rangs, Les rôtisseries tournaient des poulets luisants, Les marrons chauds fumants répandaient une odeur Qui promettait partout un air de pur bonheur. Par les rues enneigées de la ville indolente Allait, peu couverte, une petite mendiante. Son pas sur le pavé trébuchait fréquemment, Le beau monde reculait d’un pas en voyant S’approcher la petite esseulée engourdie, Le manteau rapiécé, les joues déjà bleuies. C’était le rude et heureux soir avant Noël. La môme épouvantée ne rentrait pas chez elle. Elle disait pour soi : « Si jamais je reviens Les mains vides ainsi, sans argent ni larcin, Père me punira tant il sera furieux. Sa ceinture est cuisante et sa paume peu mieux, Seule la lune éteinte me voit tous les soirs M’endormir dans mes larmes, m’assoupir dans le noir. Mais j’ai bien froid dehors, mes souliers sont troués, Marcher m’est éprouvant : je ne sens plus mes pieds… De mes cent allumettes, je n’en ai vendu qu’un Paquet pour quatre sous. Ah, que j’ai froid aux mains... ». Il faisait noir déjà. La jeunette transie S’abandonna sans mots sur le pas d’un logis D’où perçaient les lueurs d’une riche abondance. La lucarne interdite observait en silence L’extérieur et illuminait la rue boueuse. Dehors il ne restait plus que la malheureuse. La ville s’était tue. On entendait à peine Le bruit feutré trop fin des flocons gris de payne Qui tombaient sur la terre. Elle ouvrit un paquet, Pleine d’appréhension et la gorge nouée, De ses petits doigts blancs craqua une allumette, Le feu puissant jaillit, se calma ; la fillette Y réchauffa ses mains et son âme un instant. Mais la magie se dissipa bien vite et sans Un bruit la flammèche mourut et ne laissa Que la fumée grise et l’odeur d’un feu de bois. La jeune émerveillée s’empressa de craquer Un à un tous les précieux produits du paquet. La peur était partie. Alors le doux croissant Céleste se pencha dans un chant bienveillant, Il caressa sa joue d’une paume glacée Et maternellement la prit pour la bercer, Et dans le firmament les étoiles chagrines Scintillèrent un peu plus fort pour l’orpheline.



Poème posté le 05/12/20 par Yablokovnaia



.