Souvenons-nous du roi qui quitta son pays
Pour aller guerroyer en terre si lointaine,
De gloire se couvrir, qu'au retour fut saisi
Par des mains ennemies, entravé par les chaînes.
Sa prison fut dorée, mais le peuple paya
La rançon demandée, tandis que les seigneurs,
A son frère, imposaient cette Magna Carta
Qui ouvrit le royaume au vouloir des cogneurs.
Si ton cœur fut de lion, ta tête était d'oiseau !
Pourtant, Richard, tu composais de beaux poèmes !
Pourquoi préféras-tu l'épée, au fin roseau
Qui dompte en quelques vers de tes gens les problèmes ?
François était pareil, qui partit conquérir
En Italie le renouveau ; il était grand,
Il était beau, il était fort, faillit périr…
Flambeur et flagorneur, l'esthète était un gland !
Afin de retrouver sa liberté, fallut
Laisser ses héritiers à titre de caution
Entre les mains de ses vainqueurs. Sceptre ou phallus,
Il faut, sire, choisir où porter attention.
Alors qu'il était roi, se rêvait chevalier…
Lui, le plus haut, aurait, par de tous le plus bas,
Le plus vaillant, été adoubé ! Pallier
Comment à la folie qui les règnes abat ?
La leçon vient de loin… Souvenons-nous d'Ulysse
Qui laissa Pénélope, abandonna Ithaque,
Et du meurtre de Troie fut le plus vif complice,
Oubliant son pays et son fils Télémaque !
Près de Circé prit du bon temps, prit du plaisir,
Pour la quitter en lui laissant Télégonos…
Devant les prétendants, banda l'arc du désir ;
A Pénélope dit la chambre de leur noce.
La reine reconnut celui qu'elle attendait
En écoutant son souvenir. Hélas, l'oracle
L'avertit qu'il serait par son fils trucidé !
Souvent reste un passé lequel l'avenir racle.
Ignorant avoir fait un cadeau à Circé,
Son fils aîné il éloigna ; puis il en vint
A croiser sans savoir le chemin du cadet.
Il avait cinquante ans, son fils en avait vingt.
Quand le père abandonne l’Éden, qu'il s'enfuit
Du jardin en lequel il ne trouve qu'ennui,
A quoi les étrangers de sa famille pensent ?
- Ô gay ! Quand le roi n'est pas là, les barons dansent !