A la manière de L’albatros de Charles Baudelaire.
Souvent, pour s’amuser, les femmes d’écriture
Ouvrent leurs encriers, vastes gîtes des mots,
Qui attendent, patients compagnons d’aventure,
La page encore nue sur les pleurs et les maux.
A peine ont-elles jà déposé sur la lettre
Que ces phénix de l’âme, assidus serviteurs
Laissent passionnément leurs grandes voix de l’être
Comme des paroliers chercher des éditeurs.
Cet encrier allié, comme il est probe et digne
Lui, naguère si seul, qu’il est noble et précieux !
L’une amuse sa plume avec un tire-ligne,
L’autre mime, en riant, le parfum sous les cieux !
La Poétesse est telle aux dauphines d’autre ère
Qui hante le silence et se rit des affronts ;
Exilée sur la grâce au cœur d’une prière,
Étanche de ses chants les moiteurs de nos fronts.
*moiteur : clin d’œil à Paul Verlaine (Mon rêve familier).L’ALBATROS
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.